Abbas Mahamat Tolli« Il n’y aura pas de dévaluation du franc CFA » 

Le patron de la Banque des Etats de l’Afrique Centrale affirme qu'au regard des fondamentaux de l'économie de la sous-région, la dévaluation du franc CFA n'est pas envisageable. 

On a beaucoup parlé de la dévaluation du franc CFA lors du sommet des chefs d’Etat qui s’est tenu à N’Djamena. Mais nulle part dans le communiqué final qui a sanctionné les travaux, on a fait allusion à cette dévaluation. Qu’en est-il exactement ? 

Il faut dire que cette question revient généralement de façon assez récurrente à la veille des sommets de la Cemac. Il vous souvient qu’en 2017, nous avons eu un long échange sur le risque de dévaluation. Je ne suis donc pas surpris que ce sujet revienne de nouveau. Toutefois, pour faire simple, il faut dire qu’on n’a pas parlé de dévaluation lors du sommet de N’Djamena parce que ce n’était pas à l’ordre du jour. Et aussi parce qu’il y a pas de raisons, de nos jours, au regard des fondamentaux économiques, que nous risquions une dévaluation. Souvenez-vous que la stratégie qui avait été élaborée à Yaoundé en 2016, comportait 21 mesures. La première était d’éviter un ajustement monétaire dans la conjoncture économique actuelle. Et c’est ce qui est train d’être fait. Nous avons quatre pays qui sont en programme économique et financier. On a un pays qui a un programme de référence et dont la première revue a été validée. La prochaine revue qui va ouvrir la voie à un programme économique et financier, va se tenir dans les semaines à venir. En clair, tous les pays de la Cemac se sont ajustés au plan budgétaire. Il y a eu beaucoup de réformes à la fois au niveau des Etats qu’au niveau institutionnel. La Banque centrale a complètement revue le cadre opérationnel de sa politique monétaire. Les effets sont d’ailleurs visibles de nos jours. Nous avons constaté que depuis la mise en œuvre de ces réformes, il y a un regain d’activités sur le marché monétaire de plus 1300 %. Les Etats, plutôt que de recourir au financement monétaire, ont davantage recours à l’épargne publique et les émissions de ces pays, d’une année à l’autre, ont quasiment augmenté de 54 %. Ce qui est aussi intéressant à noter, c’est un regain du marché secondaire au niveau de la sous-région et ce d’autant plus que le marché des titres publics s’est complètement régionalisé. Nous avons remarqué également une diminution sensible des défi

cits courants extérieurs, de même que des déficits publics dans le cadre des programmes qui sont en cours. Mais d’ici la fin de l’année, nos pays vont avoir globalement 1000 milliards injectés dans l’économie. Mais tout ceci exige qu’il faille, à l’avenir, diversifier les bases de nos économies. Tout ceci pour dire que le débat de nos jours n’est pas la dévaluation, elle n’est pas d’actualité. On devrait plutôt travailler à diversifier nos économies, à créer plus d’emplois et trouver des solutions pour optimiser la mobilisation des recettes domestiques, parce que dans d’autres pays, c’est 40 % de la production nationale qui est taxée. En clair, il n’y aura pas dévaluation du franc CFA.

Le président Idriss Deby Itno du Tchad, lors du sommet de N’Djamena, a fustigé le relâchement observé au sein des pays de la Cemac en ce qui concerne les réformes budgétaires. Quelle est la situation sur ce point et peut-on avoir les noms des pays concernés ? 

Cette hypothèse qui sous-tend que les pays ne suivent pas correctement les réformes budgétaires est à exclure. Parce que chaque pays y est allé de manière souveraine, convaincu de la vertu à opérer toutes ces réformes. Tous ces pays mènent des réformes fiscales, de gouvernance, etc. Tout ceci se fait de façon à consolider le cadrage macroéconomique de notre sous-région et à nous sortir de cette situation conjoncturelle. Depuis 2017, nous avons pu arrêter la baisse vertigineuse des réserves de change. On observe une remontée de ces ressources. Comparé à l’année dernière où nous étions à -13 % de taux de couverture, aujourd’hui nous sommes à 60 %. Les dettes publiques des Etats à l’époque étaient de 100 % du Produit Intérieur Brut (PIB), alors que de nos jours, la moyenne dans la Cemac se situe à 45 %. Par ailleurs, le niveau de déficit des comptes courants était de 11 %, il est actuellement de 3 %. A l’époque, en termes de croissance c’était la récession. Or, nous tablons pour 3,7 % l’année prochaine. Et nous voyons un regain au niveau des matières premières que nos pays exportent. Si on s’en tient donc aux statistiques, il n’y a pas de raisons de songer à une dévaluation. Le président Deby invitait donc les uns et les autres à maintenir le cap et à ne pas baisser les bras.

La dernière fois que la décision a été prise de réduire le TIAO, nous étions en mars 2017. Aujourd’hui choisissez de l’augmenter. Qu’est-ce qui justifie cette décision ? Et est-ce qu’elle est en droite ligne avec le soutien apporté par la Beac aux Etats de la Cemac ? 

Le Taux d’Intérêt des Appels d’Offres est l’instrument par excellence de la Beac pour déterminer l’orientation de sa politique monétaire. Le TIAO sert également de courroie de transmission de la politique monétaire au secteur réel. Nous relevons ce taux dans le souci de conforter la gestion de nos réserves de change, mais surtout pour lier la politique monétaire à la conjoncture actuelle, marquée par les efforts de sortie de crise en cours dans les Etats de la Cemac. Concrètement, dans notre sous-région, avec la situation de l’excès de liquidité, on devrait ponctionner à peu près 400 milliards de francs CFA par semaine pour amener les banques à la Beac. Et permettre ainsi à notre politique monétaire d’avoir une meilleure politique et des impulsions au niveau du CPM. En clair, il est question d’avoir une politique monétaire en cohérence avec la stratégie de sortie de crise. De plus, nous jouons avec les taux lorsque les circonstances l’exigent sinon on va se retrouver dans une réduction de nos avoirs extérieurs. Quand on procède ainsi, on évite des conséquences négatives sur la soutenabilité extérieure.

Vous avez indiqué il y a peu que la Beac a arrêté la décrue des réserves de change et que ces réserves ont amorcé une remontée. Or dans son discours, le président de la commission de la Cemac s’inquiéter de l’érosion des réserves de change. Où se situe la vérité ? 

En 2016, nous avons connu 74 % de baisse de niveau des réserves de change. Jusqu’au mois de juillet 2016, début 2017, on assistait à une réduction. Et pendant quasiment huit à neuf mois, on avait réussi, grâce à l’entrée en programme de quelques pays de la communauté et des réformes et décisions de politique monétaire prises dans la banque centrale de stabiliser cette situation. Aujourd’hui, non seulement la situation est stabilisée, mais nous observons que de 56% de taux de couverture, il est possible que d’ici décembre, selon nos projections, nous soyons à plus de 60%. Il n’y a donc pas d’inquiétudes à se faire. Si on relève les taux, ça nous permet d’avoir une meilleure maîtrise des risques et autres dérapages au niveau des cibles du déficit budgétaire, de manière à éviter des effets pervers sur le niveau des réserves de change. Autrement dit la conjoncture dicte la conduite à tenir quant à se levier. C’est dire qu’il y a pas de contradictions ni de risques à ce niveau.

Junior Matock (Défis Actuels)

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