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Formations professionnelles : à l’Est, le C2D injecte 3 milliards FCFA pour renforcer les compétences des jeunes

Construit sur financement le Contrat de Désendettement et de Développement (C2D), le Centre de formation aux métiers (CFM) de Bertoua accueille des jeunes désireux de formaliser leurs compétences. Entre transformation du bois, énergie renouvelable et métiers agroalimentaires, ils explorent des secteurs qui structurent l’économie locale.

Sous le soleil de canicule de Bertoua, jeudi 20 novembre 2025 aux environs de 11h, Oumarou Ousmanou, apprenant en filière transformation du bois au CFM, ponce un guéridon. Son geste est régulier, maîtrisé. À proximité, un camarade travaille sur un autre meuble sous la supervision de leur encadreur. Oumarou, la vingtaine révolue, effectue sa deuxième semaine de stage d’imprégnation, une immersion destinée à familiariser les apprenants avec les machines, les types de bois et les techniques d’assemblage.

Deux apprenants du CFM de Bertoua en stage d’imprégnation au sein de l’entreprise Kakabi, encadrés sur site par leur superviseur professionnel.

Avec un ton déterminé, il raconte les raisons qui l’ont poussé à rejoindre la formation : « Au départ, ce n’était pas facile de me débrouiller sans une technique de base. La situation familiale était compliquée et je cherchais à me former pour devenir professionnel. » Il se souvient également de sa rencontre avec une équipe de sensibilisation du CFM : « Ils m’ont présenté les offres de formation. J’ai accepté, parce que je voulais obtenir un diplôme et une reconnaissance. »

 Pour Oumarou comme pour beaucoup de jeunes vivant dans la région, l’intérêt d’un centre de formation réside dans l’accès à une filière structurée délivrant un diplôme reconnu par l’État. « Je voulais me former depuis longtemps, mais je ne savais pas comment entrer dans un cadre organisé », lance l’originaire d’une des régions septentrionales du pays. Son objectif est clair : créer une petite entreprise après sa formation pour assurer son autonomie et soutenir ses frères cadets. D’abord inscrit en transformation animale, il se réoriente vers la filière bois après le module « métier et formation », qui présente les exigences et contraintes de chaque spécialité.

Comme lui, une vingtaine d’apprenants suivent actuellement leur parcours au CFM de Bertoua, implanté à Mandjou, anciennement appelée commune de Bertoua rurale, à environ 9 km du centre urbain. Parmi eux, Serges Letina, inscrit en transformation et conservation des produits végétaux, motive son choix par la disponibilité des matières premières dans l’Est et par un projet entrepreneurial né au quand-il était au secondaire. Il suit la formation depuis un mois et attend impatiemment les équipements de ce centre, pour la phase pratique qui doit compléter la théorie.

 Youego Dorcas, engagée dans la filière énergie renouvelable et électromécanique, évoque les besoins énergétiques de la région comme motivation : « Plusieurs localités n’ont pas d’électricité. Avec le solaire, on peut les alimenter. Mon objectif est d’aider les villages de l’Est. »

UN CENTRE FINANCÉ À PLUS DE 3 MILLIARDS FCFA

Le CFM de Bertoua, financé à 100 % par le Contrat de Désendettement et de Développement (C2D) pour un montant d’environ 3 milliards de FCFA, est présenté comme un levier de structuration des compétences dans une région où l’emploi des jeunes reste majoritairement informel. Construit sur plus de 11 hectares, dont 6 hectares de surface utile, il propose des formations en transformation animale et halieutique, transformation végétale, transformation du bois et électromécanique.

Le site comprend dix bâtiments — blocs administratifs, salles de cours, showroom, auditorium — ainsi que cinq ateliers dédiés aux différentes filières. Plus de 98 % des travaux sont achevés et la réception officielle est annoncée d’ici la fin de l’année. Cinq marchés sont en cours d’exécution pour équiper les ateliers et assurer l’électrification du centre, avec une livraison prévue en décembre 2025.

À pleine capacité, le centre pourra accueillir annuellement près de 200 apprenants et proposera des formations initiales et continues, en présentiel, à distance, en cours du jour, du soir ou en alternance. Les filières ciblent des métiers directement liés au tissu productif local : opérateur de transformation des produits animaux (OTPA), opérateur de transformation des produits végétaux (OTPV), menuisier-ébéniste, charpentier, conducteur d’opérations de scierie ou affûteur.

Au-delà de la formation, le CFM est structuré comme un espace socio-économique. Les ateliers seront ouverts aux opérateurs locaux moyennant un paiement symbolique. Le showroom permettra la commercialisation des productions des apprenants, instituant un lien fonctionnel entre formation et marché. L’établissement devient ainsi un instrument d’intégration économique, renforçant les capacités productives d’une région au potentiel immense mais sous-exploité.

Selon un rapport 2022 de l’Institut National de la Statistique (INS), l’Est Cameroun affiche 62,8% d’emploi, dominé par secteurs primaires et informels, mais avec faible durée moyenne (3 ans 6 mois) et avec 9,8% d’enfants non qualifiés employés. L’Est présente également un taux de pauvreté de 30 % selon l’ECAM 4, inférieur au seuil national (37,5 %) mais reflétant une fragilité socio-économique persistante, comparable à celle observée dans l’Adamaoua et le Nord.

UNE RÉGION RICHE EN RESSOURCES MAIS CONFRONTÉE À DE FORTES CONTRAINTES

La région de l’Est, avec ses 109 002 km², est la plus vaste circonscription administrative du Cameroun. Son économie repose massivement sur ses ressources forestières, fauniques et halieutiques : deux tiers du territoire sont couverts de forêts abritant près de 300 espèces d’arbres, dont une trentaine sont couramment exploitées. L’exploitation du bois reste sélective et dominée par la première transformation, ce qui limite la valeur ajoutée locale malgré des recettes fiscales importantes dont une partie est reversée aux communes et communautés.

 Les produits forestiers non ligneux constituent une ressource clé pour les ménages, tout comme la faune dont les activités économiques se concentrent sur la chasse et le tourisme cynégétique. Selon les données officielles, les recettes issues de cette filière restent faibles, en décalage avec l’abondance du potentiel, sur fond de braconnage et de contrôle défaillant. Sur le plan énergétique, la région souffre d’un déficit structurel.

Le Schéma régional d’aménagement et de développement durable du territoire (2024) dénombre 14 agglomérations électrifiées sur 43, desservies par des centrales thermiques ENEO totalisant une capacité installée de 23,4 MW, dont seulement 12,36 MW disponibles dans six centrales isolées. Ce déficit freine le développement industriel local et justifie l’intérêt croissant pour les filières d’électromécanique et d’énergies renouvelables.

 UN OUTIL DE DÉVELOPPEMENT TERRITORIAL

Le projet de CFM de Bertoua s’inscrit dans la Stratégie nationale de développement 2020-2030 (SND30), qui cible l’adéquation formation-emploi comme pilier de transformation structurelle. Au niveau national, la formation professionnelle encadre plus de 300 000 jeunes par an via le MINEFOP, les chambres consulaires et les organisations professionnelles.

En 2022, le taux d’insertion des sortants s’établissait à 41,7 %, avec une employabilité supérieure pour les métiers techniques — bois, agro-industrie, maintenance — en lien direct avec les besoins des entreprises locales. Dans cette région riche en ressources mais caractérisée par une industrialisation sommaire et un accès limité à l’énergie, le CFM de Bertoua matérialise un investissement stratégique orienté vers la transformation locale, la montée en compétences et l’entrepreneuriat productif.

En rappel, le Contrat de désendettement et de développement (C2D), lancé en juin 2006 dans le cadre de la coopération franco-camerounaise, s’est imposé comme l’un des dispositifs les plus structurants de la dernière décennie. À l’issue du troisième et dernier contrat, près de 1 000 milliards FCFA auront été réinjectés dans l’économie nationale, avec pour finalité la réduction de la pauvreté, le renforcement des services de santé, l’amélioration des infrastructures et l’accélération du développement.

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