L’édition 2025 du Women’s Entrepreneurship Day, tenue le 20 novembre à Yaoundé, a servi de plateforme pour redéfinir l’action publique en faveur des entreprises féminines. Le Ministre chargé des Petites et Moyennes Entreprises, Achille Bassilekin III, a replacé ces actrices au centre des politiques de création de richesse et d’emploi. Cette prise de position s’inscrit dans un environnement économique où l’innovation et la transformation industrielle sont considérées comme des leviers essentiels de croissance, avec un accent mis sur l’intégration des femmes dans ces chaînes de valeur.
Les données officielles montrent une dynamique ascendante : en 2024, les Centres de formalité et de Création d’Entreprises ont enregistré 21 132 nouvelles PME, soit une hausse de 7,5 % par rapport à 2023. Les créations portées par des femmes représentent 26,58 %, contre 73,4 % pour les promoteurs masculins. Entre 2019 et 2024, le nombre d’entreprises créées par des femmes a progressé de 57,2 %, passant de 3 572 à 5 616. Cette évolution traduit l’impact des dispositifs publics d’accompagnement, mais aussi leurs limites, notamment en matière d’accès au financement, de consolidation des structures et de passage à l’échelle.
Selon les statistiques gouvernementales, les femmes dirigent 38 % des entreprises au Cameroun, avec une forte présence dans les très petites entreprises et une représentation réduite dans les grandes structures (14 %). Elles occupent 43 % des postes de direction, une proportion qui chute à 18 % dans les grandes entreprises. Ces écarts illustrent les difficultés d’accès aux marchés, aux capitaux et aux technologies productives. Ces contraintes renvoient aux obstacles classiques des économies émergentes : faible capitalisation, absence de garanties bancaires, coûts élevés du crédit, et complexité des procédures de formalisation.
La formalisation désigne ici le passage d’une activité informelle vers un statut légal reconnu par l’État, permettant l’accès aux financements institutionnels, aux marchés publics et aux protections juridiques. Face à ces défis, la série de réformes annoncées par le Ministre vise à corriger les rigidités structurelles. Il a évoqué des réponses « concrètes, rapides et efficaces » aux barrières persistantes, sans entrer dans les détails opérationnels, mais en laissant entrevoir un renforcement des outils de financement et des mécanismes de coopération avec les institutions financières. Ces mécanismes correspondent à des dispositifs dans lesquels l’État ou des partenaires apportent des garanties partielles, des subventions d’amorçage ou des lignes de crédit dédiées afin de réduire les risques bancaires liés aux TPE dirigées par des femmes.
Lors de la même session, Bertha Yenwo, présidente de CAWEECO, a insisté sur la nécessité de structurer davantage les partenariats entre entrepreneures, banques et décideurs publics. Elle a mis en avant la carence de dispositifs capables d’accompagner la montée en gamme des entreprises féminines, en particulier dans les secteurs où l’innovation technologique et la transformation de produits locaux peuvent générer une valeur ajoutée compétitive à l’échelle régionale.
Les démonstrations de produits et services exposées au WED ont illustré ce potentiel. Elles ont servi de base à une lecture élargie des opportunités industrielles, notamment dans les chaînes de transformation où les femmes occupent une place croissante. Ces vitrines permettent aux décideurs d’identifier des secteurs où un appui ciblé – financement patient, incubateurs, dispositifs de normalisation – pourrait accélérer l’intégration des femmes dans l’économie formelle.
Cette orientation s’inscrit dans la cohérence de la Stratégie Nationale de Développement 2020-2030, qui positionne le secteur privé comme moteur de croissance et souligne la nécessité d’une inclusion renforcée des jeunes et des femmes. Lors du lancement de la Semaine mondiale de l’entrepreneuriat, le Ministre a rappelé que 62,2 % des promoteurs restent masculins, avec une forte concentration dans la tranche 30- 40 ans. Cette structure démographique questionne la capacité des politiques actuelles à créer des conditions favorables pour des profils diversifiés, notamment les femmes en début de carrière entrepreneuriale.
L’édition 2025 du WED a ainsi fonctionné comme un espace d’ajustement stratégique. Elle a mis en évidence la nécessité de passer d’une logique de soutien général à une démarche plus ciblée, centrée sur les contraintes financières, organisationnelles et industrielles. Les réformes annoncées seront évaluées à l’aune de leur capacité à réduire les coûts de formalisation, à sécuriser l’accès au crédit et à renforcer la compétitivité des entreprises féminines dans un environnement où la transformation productive devient un impératif national.







