Le texte en cours d’adoption exclut notamment les emprunteurs en retard de paiement, de tout accès aux services bancaires dans la zone Cemac, y compris des opérations sur leurs propres comptes.
Selon les données de la banque centrale dans son rapport 2024, les créances en souffrance dans la zone Cemac ont augmenté de + 17% en un an pour atteindre plus de 2000 milliards de FCFA dont 178 milliards pour le secteur de la micro finance. 81% de ces fonds étant détenus par les Etablissements de micro finance du Cameroun. Ces crédits non remboursés sont considérés comme un risque majeur sur le système bancaire de la Cemac, notamment « au regard de leur volume particulièrement élevé au cours de la période récente », renseigne la Cobac.
Lors d’une concertation à Libreville fin octobre dernier, la Commission Bancaire d’Afrique Centrale (Cobac) a recensé les avis des acteurs financiers sur une nouvelle réglementation en cours pour résoudre cette problématique. Il s’agit du projet de règlement sur la mise à l’index des clients ces établissements assujettis à la Cobac en matière de non remboursement de crédit. Ce texte définit la mise à l’index comme une mesure interdisant au client « d’effectuer toute opération au débit d’un compte bancaire ou de paiement dont il est titulaire dans un établissement assujetti à la Cobac à l’exception des opérations visant la régularisation de sa situation, ou d’ouvrir un nouveau compte jusqu’à la levée de la mesure ». S’il est adopté, tout client défaillant sera mis à l’index par la Cobac si sa banque ou sa micro finance signale son incapacité à rembourser son crédit après un délai fixé. Il ne pourra de ce fait avoir accès à ses avoirs bancaires qu’après le remboursement de sa dette.
« Les conséquences d’une mise à l’index sont, i) vous ne pouvez plus ouvrir un compte bancaire en zone CEMAC ; ii) vous ne pouvez plus accéder à vos comptes ouverts dans les banques/microfinance exerçant en zone CEMAC même pour retirer votre épargne ; iii) vous ne pouvez plus avoir accès au crédit auprès d’une institution financière en zone CEMAC en plus d’autres procédures que ces établissements financiers/microfinacne peuvent engager contre le client délinquants notamment les poursuites pénales conformément à la loi n°2019/021 du 24 décembre 2019 sur le non remboursement de crédit. Cette sanction durera aussi longtemps que vous serez en impayés », explique David Kengne, expert réglementation financière.
Cette réglementation concerne aussi bien les personnes physiques que morales. Interrogé sur cette réforme en cours, le DG adjoint de Focep, un EMF de deuxième catégorie estime que ce changement devrait être bien encadré. « Le principal risque réside dans la possibilité d’erreurs ou d’abus lors de la mise à l’index, qui pourraient nuire à la réputation ou aux droits d’un client de bonne foi. Une application trop stricte pourrait entraîner une exclusion financière accrue, notamment pour les petits emprunteurs qui représentent pourtant la clientèle cible des EMF. D’où la nécessité d’un encadrement juridique et technique solide, garantissant l’équilibre entre rigueur et inclusion. Je considère que cette réforme est utile et opportune. Néanmoins, sa réussite dépendra largement de la manière dont elle sera mise en œuvre » fait savoir Hervé Blaise Feunke.
Réaction
David KENGNE, expert en réglementation financière
« On aura plus d’informations sur le comportement des clients qui sollicitent le crédit »

« Il faut tirer une sonnette d’alarme car, le Cameroun à lui seul porte 81% de mauvais crédit de la zone CEMAC du portefeuille de crédit des établissements de microfinance. Les promoteurs de PME/PMI camerounaises sont des emprunteurs délinquants. La plupart ne remboursent pas le crédit que les banques et établissements de microfinance leur accordent. C’est également ce comportement malhonnête qui justifie le coût élevé de l’accès au crédit dans notre pays. Car les bons emprunteurs doivent payer pour les emprunteurs délinquants. Ce qui n’est pas bien pour la pérennité de ces institutions qui exercent une continuité de l’action publique. Il y a aussi en cours le règlement sur le bureau d’information sur le crédit qui permettra aux établissements financiers et de microfinance d’avoir accès à toutes les informations sur le comportement des clients qui sollicitent le crédit auprès d’eux. Ainsi par exemple, si vous venez solliciter un crédit auprès d’un établissement, l’établissement financier/microfinance peut avoir des informations sur le comportement de ce client dans ses relations avec son bailleur s’il est locataire, est-ce qu’il paye régulièrement ses loyers chez bailleur ? est-ce qu’il est en règle avec l’administration fiscale ? est-ce qu’il est en règle avec ses fournisseurs s’il est commerçant. Ces instruments mis ensemble, ajoutés à la loi sur la pénalisation des crédits non remboursés et à la centrale des risques peuvent constituer une barrière étanche contre les délinquants bancaires. »







