Lors du séminaire de lancement des activités de préparation du budget 2026, tenu en juillet 2025 au Palais des Congrès de Yaoundé, le ministre des Finances a décrit un contexte budgétaire marqué par une montée rapide des risques climatiques. Selon lui, ces facteurs pèsent déjà sur les recettes publiques et alourdissent les dépenses courantes.
Cette situation place la résilience climatique au cœur des arbitrages financiers du gouvernement. Le ministre rappelle depuis plusieurs années que les aléas climatiques perturbent les fondements de l’activité productive. Il cite des effets visibles : baisse des rendements agricoles, difficultés dans la pêche et l’élevage, multiplication de maladies hydriques, et pressions accrues sur le système de santé.
En 2023 et 2024, inondations et effondrements ont touché des centaines de milliers de personnes, causant des pertes humaines et matérielles, une « source de dépenses de plus en plus lourde », avait indiqué le Minfi. Et de poursuivre : « un risque croissant de pertes de recettes ».
POSITIONNEMENT STRATÉGIQUE DU CAMEROUN DANS LA FINANCE CLIMATIQUE
Pourtant, le Cameroun émet peu de gaz à effet de serre — à peine 0,07 % des émissions mondiales en 2020 — mais figure parmi les trente pays les plus exposés aux risques climatiques. Cette contradiction renforce l’argumentaire national en faveur d’une compensation financière internationale.
A Belém, au Brésil, la COP30 qui s’est ouverte le 10 novembre 2025 intervient dans un climat de fortes attentes pour les pays vulnérables. Pour le Cameroun, ce rendez-vous constitue une occasion de porter ses besoins d’adaptation, alors que l’Afrique, malgré moins de 4 % des émissions mondiales, subit jusqu’à 5 % de pertes annuelles de PIB liées aux chocs climatiques.

Ces pertes budgétaires limitent les marges pour financer l’éducation, la santé ou les infrastructures. Lors du séminaire de juillet 2025, le ministre Motazé a rappelé la nécessité d’élargir le périmètre des ressources financières. Il demande à l’administration de rechercher systématiquement des financements liés au climat au niveau national et international. Le gouvernement considère que la « monétisation de la résilience » passe par la capacité à démontrer, de manière documentée, l’ampleur des risques et le coût économique de l’adaptation.
Ce positionnement, selon le ministère, doit permettre au pays d’entrer plus fermement dans les mécanismes de finance climatique, un ensemble d’instruments financiers — dons, prêts concessionnels, fonds d’adaptation ou d’atténuation — destinés à soutenir les pays confrontés aux impacts du changement climatique. Une première étape a été franchie en 2025 avec l’introduction, dans la loi de finances, d’une annexe budgétaire sensible au climat.
Cette annexe vise à classifier les dépenses publiques selon leur contribution à la lutte contre le changement climatique. Sur les neuf administrations pilotes engagées, 17 % des dépenses ont été considérées comme favorables au climat ; mais 82 % restent « non déterminées », faute de données fiables et d’un cadre méthodologique consolidé. Ce déséquilibre met en lumière les défis à résoudre : études d’impact peu orientées vers les enjeux climatiques, coordination institutionnelle insuffisante et inertie administrative dans la conception des projets.
RÉFORMES BUDGÉTAIRES ET EXIGENCES POUR 2026
Pour améliorer cette situation dès 2026, le ministère prévoit plusieurs mesures : doublement du nombre d’administrations pilotes, passage de trois à six marqueurs climatiques pour classifier les dépenses, création d’un mécanisme de traçabilité des financements verts, renforcement de la formation des personnels et vulgarisation du Plan National Climat. Le ministère insiste sur la nécessité de disposer de données mieux structurées pour répondre aux exigences des bailleurs internationaux.
Dans sa feuille de route pour le budget 2026, le gouvernement associe l’adaptation climatique à d’autres priorités économiques : intensification de la production locale, renforcement de l’offre énergétique grâce à la mise en service du barrage de Nachtigal, accélération de la réforme foncière, poursuite des grands chantiers portuaires, autoroutiers et énergétiques, et amélioration des dispositifs de soutien social.
Pour Louis Paul Motaze, ces projets devront être « verdits », c’est-à-dire évalués selon leurs effets sur l’environnement, afin de prétendre aux financements climatiques internationaux. La référence stricte aux orientations contenues dans la circulaire présidentielle de préparation du budget 2026 constitue le cadre de convergence des administrations. Cette circulaire demande une évaluation plus fine des dépenses, un meilleur ciblage des investissements et une recherche active de financements extérieurs, notamment dans la finance climatique. Elle impose la cohérence entre les arbitrages internes et les standards requis pour accéder aux guichets internationaux.
Pour le ministère des Finances, la transformation de la gouvernance budgétaire est désormais une contrainte économique. Si le changement climatique continue à générer des chocs budgétaires majeurs, il deviendra, selon le ministre, une « cause de contre-performance dans l’utilisation des recettes publiques ». C’est ce diagnostic qui justifie l’intégration systématique du climat dans la programmation financière de l’État.






