L’autoroute Yaoundé-Douala en est le symbole le plus éclatant. La première phase, réceptionnée depuis décembre 2022, n’est toujours pas exploitée, tandis que la seconde attend encore ses financements. « Le coût d’objectif de 899 milliards FCFA HT est difficilement mobilisable dans le budget d’investissement public », reconnaît Victor Chi, évoquant la nécessité de recourir aux partenaires techniques et financiers. Une réponse qui, en elle-même, illustre la dérive du modèle actuel : l’État se décharge sur les bailleurs, sans jamais repenser sa capacité à planifier, à prioriser, ni à exécuter dans les temps. Le discours est bien rodé, presque institutionnalisé.
On ne s’interroge plus sur les retards, on les explique. On ne parle plus d’efficacité, mais de patience. Or, après quarante ans de grands projets lancés dans l’enthousiasme et achevés dans la lassitude, le problème n’est plus conjoncturel. Il est presque devenu systémique. Le discours des responsables ne varie presque jamais. « Nos projets prennent du temps à aboutir car ils sont nombreux », affirme Victor Chi, pour qui « le Cameroun est en chantier du Nord au Sud ». Mais cette logique quantitative a montré ses limites. Dix projets lancés et jamais achevés ne valent pas une seule infrastructure livrée dans les délais.
Cette fuite en avant traduit un mode de gouvernance obsédé par l’annonce, et non par le résultat. Rompre avec cette culture, c’est accepter que l’efficacité ne se mesure pas au nombre de rubans coupés, mais à la régularité de l’exécution et à la clarté des responsabilités. L’État doit redevenir maître d’œuvre, non plus spectateur de ses propres blocages. Cela suppose une réorganisation profonde. Planification réaliste, sanctions en cas de retard, et transparence sur les coûts réels. L’un des chantiers prioritaires du huitième mandat ne sera donc pas la construction d’une route, d’un pont ou d’une autoroute, mais celle d’un État capable de livrer ce qu’il promet. Passer d’une gouvernance du constat à une gouvernance de l’action. C’est là que se joue désormais la crédibilité du pouvoir.
PAR LA REDACTION







