Dans le rapport Doing Business 2020 de la Banque mondiale, le Cameroun se classe 167e sur 190 économies, avec une note de 46,1 sur 100. Ce classement, qui mesure la facilité de faire des affaires, place le pays juste devant le Bangladesh. Ce rapport de l’institution de Bretton Wood, évalue dix domaines, dont la création d’entreprise, les permis de construire, l’accès à l’électricité, le paiement des impôts et la protection des investisseurs.
Ces indicateurs traduisent la complexité d’un environnement réglementaire où la formalité prime souvent sur la performance. Selon la Banque mondiale, une entreprise camerounaise consacre en moyenne 624 heures par an au respect des obligations fiscales et administratives — soit deux fois plus que la moyenne africaine estimée à 307 heures.
Ces lenteurs se traduisent par une perte de productivité et un renchérissement des coûts pour les petites et moyennes entreprises, qui constituent pourtant près de 80 % des emplois créés chaque année, indique l’Institut national de la statistique, en 2023.
Pour Alain Ngai, chargé d’études en économie numérique au Gecam, la situation découle d’un « déficit de transparence et d’une corruption persistante qui entretiennent l’insécurité juridique et fragilisent la compétitivité ». Il souligne que l’opacité des processus administratifs crée un climat de méfiance, décourageant aussi bien les investisseurs nationaux qu’étrangers. Cette inertie structurelle génère des coûts supplémentaires, des retards dans les procédures et une imprévisibilité qui dissuadent les initiatives privées.
L’entrepreneure Rebecca Enonchong, fondatrice d’AppsTech et figure du numérique africain, partage dans une récente sortie, une lecture sans concession du problème : « Le Cameroun souffre d’un excès d’administration. Trop de ministères, trop d’agences, trop de signatures qui se monnayent. Les fonctionnaires deviennent parfois plus riches que les entrepreneurs. » Selon elle, cette sur-administration nourrit une économie de connivence, où les marchés publics sont truqués et les entrepreneurs honnêtes marginalisés. « Le contribuable paie quatre à cinq fois le prix réel des projets », ajoute-t-elle, dénonçant un système où la rente administrative supplante la création de valeur.
Les conséquences économiques sont lourdes : fuite des investisseurs sérieux, entrée d’acteurs opportunistes, baisse de la qualité des projets publics et affaiblissement de l’innovation. Ce cycle entretient un cercle vicieux où la médiocrité devient la norme et la performance l’exception. Dans ce contexte, la digitalisation de l’administration s’impose comme un levier de réforme. L’expérience du Guichet Unique du Commerce Extérieur (GUCE), déjà opérationnel dans le secteur douanier, montre le potentiel d’un traitement dématérialisé des procédures.
Sa généralisation à d’autres domaines — création d’entreprise, fiscalité, foncier, passation des marchés publics — pourrait réduire les délais, limiter les contacts physiques et donc les risques de corruption. La transformation numérique offrirait également une traçabilité accrue des transactions et une meilleure accessibilité des données publiques.
Selon l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE), les pays ayant digitalisé au moins 70 % de leurs services publics enregistrent en moyenne 15 % d’investissements directs étrangers supplémentaires. Le succès de ce mandat dépendra de la capacité du nouveau gouvernement à déconcentrer les services, fluidifier les circuits décisionnels et imposer la transparence dans la gestion publique.







