Les exportations camerounaises d’huile de palme brute se sont effondrées en 2024, tombant à 152 tonnes pour une valeur de 57 milliards de FCFA, contre 1 688 tonnes et 2 232 milliards de FCFA un an plus tôt, selon les chiffres officiels compilés par l’Institut national de la statistique (INS) rendus publics le 29 septembre 2025. Cette contre-performance, équivalente à une baisse de 91 % en volume et de 97,5 % en valeur, illustre la fragilité d’une filière clé de l’agro-industrie nationale, longtemps présentée comme l’un des leviers de la substitution aux importations et de la souveraineté alimentaire.
Lors de la présentation du programme économique, financier, social et culturel du gouvernement pour l’exercice budgétaire 2025, le 1ᵉʳ décembre 2024, le Premier ministre Joseph Dion Ngute a révélé que la production nationale d’huile de palme brute s’élevait à 446 984 tonnes. Un volume qui, bien que significatif, demeure insuffisant pour couvrir la demande croissante des unités de raffinage et des ménages camerounais.
DES IMPORTATIONS MULTIPLIÉES PAR DIX EN SIX ANS
Selon l’INS, entre 2017 et 2023, le Cameroun a importé 409 000 tonnes d’huile de palme, pour une valeur cumulée de 280,4 milliards de FCFA. Ces importations, principalement en provenance du Gabon et de la Côte d’Ivoire, ont été multipliées par dix en six ans : de 12 600 tonnes (5,7 milliards FCFA) en 2017 à 122 500 tonnes (89,9 milliards FCFA) en 2023. Cette tendance traduit une inversion paradoxale des flux régionaux : le Cameroun, longtemps fournisseur de produits oléagineux dans la sous-région, est désormais importateur net, tandis que ses voisins – notamment le Gabon, devenu exportateur – consolident leur avance industrielle et foncière.
PLANS DE RELANCE ET NOUVEAUX INVESTISSEMENTS
Face à cette situation, le gouvernement tente de reprendre la main. Un plan de relance de 21,7 milliards de FCFA a été lancé pour la période 2024-2026, avec pour objectif d’appuyer la production locale. Ce programme prévoit la subvention de trois agro-industries de première transformation – la Cameroon Development Corporation (CDC), Socapalm et Pamol – en équipements modernes, la réhabilitation de 5 000 hectares de plantations villageoises, et l’installation de 35 pressoirs modernes dans les coopératives rurales.
Un décret présidentiel du 22 septembre 2025 autorise par ailleurs le ministre de l’Économie à conclure un crédit commercial de 4,6 milliards FCFA avec la Standard Chartered Bank de Londres, destiné à financer la fourniture et l’installation d’usines d’huile de palme, de margarine et d’hévéa.
Dans le secteur privé, de nouveaux acteurs cherchent à redéfinir les équilibres du marché. À Douala, la Société de Raffinage du Cameroun (Sorac), filiale du groupe Nasco, dirigée par l’homme d’affaires Nassourou Issa, a récemment annoncé la mise en service d’un complexe industriel ultramoderne de 25 milliards FCFA. L’usine disposera d’une capacité de production de 100 000 tonnes d’huile raffinée et de 70 000 tonnes de savon par an, générant plus de 300 emplois directs. Pour soutenir ce projet, Sorac a porté son capital à 10 milliards FCFA et signé un partenariat avec l’Agence de Promotion des Investissements (API), bénéficiant des exonérations prévues par la loi de 2013 révisée en 2017.
Cet investissement vient s’ajouter à ceux d’autres opérateurs majeurs tels qu’Oléo, Mayor, Diamaor, Socapalm, Safacam ou Pamol, confirmant la vitalité d’un secteur stratégique mais sous tension.
L’ACCÈS À LA TERRE, PRINCIPAL VERROU
Si le gouvernement mise sur les équipements et les appuis techniques, les industriels de l’ASROC plaident pour des facilités d’accès au foncier, condition selon eux indispensable à la relance durable de la filière. Le modèle gabonais, souvent cité en exemple, démontre qu’une politique foncière proactive peut inverser la balance commerciale d’un pays en quelques années.