Cette mutation repose sur la création d’une Régie déléguée du dragage (RDD), mise en service en 2018 puis opérationnalisée en 2020. Selon le directeur général de la RDD, Samuel Ngondi Eboua, qui intervenait en février 2024 au salon Promote de Yaoundé, « la régie est l’aboutissement d’un processus engagé par le PAD pour rétablir la souveraineté de l’État du Cameroun sur l’entretien de la principale autoroute d’accès et de sortie des biens de notre pays, tout en réduisant les charges d’exploitation du port ».
156 milliards engloutis en quinze ans Entre 2005 et 2020, le dragage externalisé avait pris des allures de gouffre financier. Les multinationales chargées d’entretenir le chenal d’accès au port – parmi lesquelles l’opérateur espagnol Boluda – ont facturé en quinze ans plus de 156 milliards de FCFA, selon les chiffres communiqués par le PAD. Ce coût colossal représentait en moyenne 10,5 milliards par an, une charge qui pesait lourdement sur la trésorerie de l’autorité portuaire.
Le problème n’était pas uniquement budgétaire. Le PAD reconnaît avoir été confronté à un « chantage régulier » de la part de ses prestataires, qui conditionnaient la qualité des services à des rallonges financières. Une situation jugée intenable par l’autorité portuaire. C’est dans ce contexte qu’est née la Régie déléguée du dragage. Entièrement financée par le PAD, elle dispose de ses propres équipements nautiques. Le parc a été renforcé par l’acquisition, auprès des constructeurs internationaux d’unités modernes. Ces investissements stratégiques permettent désormais d’assurer un dragage continu et autonome du chenal, des darses et des quais. Le cahier de charges assigné à la RDD est de maintenir une profondeur minimale de 7 mètres, rétablir les profondeurs de conception aux pieds de quais, assurer la maintenance régulière des équipements, tout en garantissant la préservation de l’environnement. Mais la régie ne se limite pas aux aspects techniques. Elle a également une mission commerciale : valoriser les résidus de dragage, vendre ses prestations à d’autres clients potentiels et développer de nouvelles niches de recettes.
DES ÉCONOMIES SUBSTANTIELLES
Le coût annuel du dragage, qui dépassait les 10 milliards de FCFA lorsqu’il était confié aux multinationales, est désormais contenu à environ 4 à 5 milliards de FCFA. Autrement dit, l’opération permet au PAD de réaliser chaque année une économie moyenne de 5,5 à 6 milliards de FCFA. Sur une décennie, la facture globale devrait ainsi s’alléger d’au moins 55 milliards de FCFA, soit l’équivalent du financement de plusieurs infrastructures portuaires ou logistiques au Cameroun. Pour le PAD, l’opération produit un double effet.
L’assainissement des finances et le rétablissement de la souveraineté nationale. « L’autonomisation du dragage neutralise progressivement les charges liées à cette activité par la vente des services et des résidus de dragage », souligne la direction générale. Une logique de rationalisation qui tranche avec la dépendance passée vis-à-vis des opérateurs étrangers.
UNE PORTÉE NATIONALE ET STRATÉGIQUE
Le dragage du fleuve Wouri n’est pas un détail technique, c’est la condition même de la survie du Port de Douala-Bonabéri, porte d’entrée de quasi-totalité des importations et exportations camerounaises, mais aussi un hub vital pour le Tchad et la Centrafrique. Les navires doivent affronter la remontée du fleuve, rendue complexe par les marées et les fortes pluies de Douala. Sans dragage régulier, c’est toute la chaîne logistique nationale et régionale qui serait paralysée.