Trois mille logements annoncés, zéro livré à ce jour. C’est le constat amer que dresse, un an et demi après l’annonce officielle du projet, Ahmadou Sardaouna, directeur général de la Société immobilière du Cameroun (SIC). Présenté début 2024 comme une réponse au déficit de logements estimé à 2,5 millions d’unités, ce programme national peine à voir le jour.
Dans une interview accordée le 9 septembre 2025 à la radio nationale, le patron de la SIC a reconnu que les chantiers accusent un retard considérable, au point que l’année 2026 est désormais envisagée comme celle du véritable démarrage, et non celle de la livraison espérée initialement.
Ce vaste projet devait débuter par la construction, dès 2024, de 291 logements à la Cité Verte, à Yaoundé. Mais le sol rocailleux de Nkolbikok , localité qui devait accueillir ces habitations, n’a jamais reçu la visite du moindre coup de pioche. “Le problème de la Cité Verte, c’est qu’au moment de lancer le marché en 2024, nous avons constaté que le terrain était titré au nom d’autres personnes”, explique Ahmadou Sardaouna. « Moi, en tant que maître d’ouvrage, je ne pouvais pas lancer les travaux sur un terrain non sécurisé ». Résultat, le projet a été « effacé d’un trait ».
Du côté des logements promis à Garoua, Maroua et Sangmélima, le constat n’est guère plus réjouissant. À Garoua, par exemple, sur les 538 logements annoncés, seuls 110 ont fait l’objet d’un appel d’offres. Même cet appel a été freiné par un imbroglio administratif. En cause, un récépissé que devait délivrer la Caisse de dépôts et consignations du Cameroun (Cdec).
Selon le directeur général de la SIC, ce document apporte la preuve que les entreprises intéressées par le projet, justifient d’une solidité financière. Pour ce faire, elles doivent verser une caution en cash dans une banque avant de soumissionner. « Avant, on travaillait avec des assurances. Maintenant, il faut loger de l’argent cash auprès d’une banque. Et les entreprises n’arrivent pas à positionner les 53 millions demandés », déplore Ahmadou Sardaouna.
À Maroua, où 432 logements étaient prévus, et à Sangmélima (276 logements), la situation reste gelée, bien que, selon le DG, « les projets sont matures tant sur le plan environnemental, économique qu’administratif ». Pour tenter de débloquer la situation, la SIC compte sur un partenariat avec la Banque islamique de développement, censé financer les projets en souffrance et permettre d’engager un nouveau chantier à Nlongkak, à Yaoundé, pour 1 500 logements supplémentaires.
Mais rien n’est encore acté. « Nos équipes travaillent avec le ministère de l’Economie parce que ces trois projets ont été maturés et ça permettra à la Banque islamique de développement de nous donner des ressources pour non seulement continuer ces trois chantiers mais aussi pour entamer Nlongkak qui devrait nous donner 1500 logements », a souligné le directeur général de la SIC. « De toutes les façons, nous avons maîtrisé les aléas », veut rassurer Sardaouna. Il espère que 2026 sera « l’année de pleine production, pour que les Camerounais ne souffrent pas trop avec le déficit en logements ».
Pour mémoire, le projet de 3000 logements sur trois ans (2024-2026) avait été dévoilé par la SIC dans une interview au journal L’Action, l’organe du parti au pouvoir, le RDPC. Le coût du projet était estimé à 453 milliards de FCFA, soit 151 millions en moyenne par logement. Un coût qui interpellé bon nombre d’observateurs à l’époque, d’autant qu’il semble difficilement conciliable avec l’objectif de logement social.
Pour amortir un tel investissement sur 50 ans, le loyer mensuel devrait dépasser 250 000 FCFA, un montant loin de la réalité du pouvoir d’achat de la majorité des Camerounais. Le programme initial prévoyait, en plus des sites déjà cités, la réhabilitation des cités de Kotto et Palmiers à Douala, ainsi que celles de Buea, Maroua et Garoua. Des cités dont le taux de vétusté est estimé à 60%, selon la SIC.