L’évaluation souveraine du Cameroun par l’agence Moody’s, publiée le 22 août, intervient dans un contexte politique et financier particulièrement sensible. Moins de deux mois avant l’élection présidentielle, prévue le 12 octobre 2025, le pays se maintient dans la catégorie dite « spéculative », avec une note Caa1 et une perspective jugée « stable ».
Ce niveau de notation, situé au septième palier de la catégorie à haut risque, se trouve à cinq crans seulement au-dessus du défaut de paiement, ce qui signifie que le Cameroun est considéré comme un emprunteur à solvabilité fragile, mais pas encore en situation de faillite. Cette décision prolonge la dégradation intervenue en juillet 2023, lorsque Moody’s avait rétrogradé Yaoundé dans la tranche des émetteurs dits « très risqués ». Dans la grille des notations, la mention Caa1 indique que, bien que l’État honore encore ses engagements, il reste exposé à un risque élevé d’incapacité de paiement en cas de choc.
Pour les investisseurs, cela se traduit par des exigences accrues de rendement, autrement dit un coût plus élevé pour le Cameroun chaque fois qu’il lève des fonds sur les marchés internationaux. Au cœur de cette appréciation, le facteur politique pèse lourdement. Moody’s estime que l’absence d’un plan de succession clair autour du président Paul Biya, combinée à l’exclusion de certains candidats de l’opposition, aux tensions persistantes dans les régions anglophones et aux défis sécuritaires dans l’Extrême-Nord, crée un environnement d’incertitude. « Les risques politiques se sont accentués et ne devraient pas être atténués par le prochain scrutin », souligne l’agence.
Pour les analystes de Moody’s, cette instabilité ne constitue pas seulement un aléa ponctuel : elle limite structurellement la capacité de l’État à conduire des réformes et à attirer des financements à long terme. Cette lecture intervient alors que le Cameroun s’apprête à solliciter près de 930 milliards de FCFA auprès des marchés financiers, tant au niveau régional qu’international, afin de couvrir ses besoins de financement pour 2025.
Or, dans un environnement où les investisseurs scrutent à la fois les fondamentaux économiques et les signaux politiques, la persistance d’une notation dans le bas de la catégorie spéculative pourrait compliquer l’opération. Si la « perspective stable » donne à voir une certaine résilience, le coût de la dette risque d’être alourdi par la prime de risque exigée par les créanciers. Moody’s, toutefois, ne se limite pas à dresser un tableau sombre.
L’agence reconnaît les progrès réalisés par Yaoundé en matière de discipline budgétaire et de gestion de la dette. Elle note la régularité de la croissance économique, la prévision d’une réduction du ratio dette/PIB sous la barre des 40 % d’ici fin 2025, et l’amélioration des mécanismes de trésorerie. « Le gouvernement a amélioré sa gestion de la dette et de la trésorerie, réduit les dépenses hors budget et renforcé le recouvrement des recettes », observe le rapport. Ces éléments permettent d’expliquer pourquoi la note, bien que faible, n’a pas été abaissée davantage.
Quant aux perspectives d’évolution, Moody’s trace deux scénarios. Un relèvement de la notation ne serait envisageable qu’à condition que le Cameroun parvienne à diversifier ses sources de financement, en particulier par l’émission d’obligations à plus long terme sur le marché régional et en sécurisant davantage de financements extérieurs concessionnels. La mise en place d’une transition présidentielle crédible et apaisée serait également déterminante pour réduire l’incertitude politique qui pèse sur le profil de crédit du pays. À l’inverse, un abaissement de la note pourrait intervenir si les tensions de liquidité s’aggravaient, entraînant des retards de paiement, ou si une transition politique désordonnée accentuait la vulnérabilité financière et institutionnelle de l’État.







