Monsieur le ministre, quel est le secret de l’embellie que connaît actuellement la filière cacao au Cameroun ?
Le secret, c’est le travail. Je ne vais pas remonter tout le cours de l’histoire, mais il faut rappeler qu’autrefois, le cacao du Cameroun était reconnu pour – excusez le terme – sa qualité médiocre. Sur le marché international, on l’appelait « Smoky cocoa », à cause de son odeur de fumée, et il subissait systématiquement une décote, souvent comprise entre 400 FCFA et plus par kilogramme. L’origine Cameroun ne servait qu’à la couverture, elle n’était pas la base des approvisionnements des chocolatiers et industriels. Il a fallu renverser cette tendance. À la fin de la campagne 2016-2017, le président de la République a donné des instructions fermes et précises pour améliorer la qualité du cacao camerounais, notamment à travers l’instauration d’une prime de qualité et la mise en place de centres d’excellence. À partir de là, tout a basculé. D’origine bannie, le Cameroun est devenu une origine recherchée sur le marché. Je n’ai pas besoin de faire un dessin : tout le monde voit le défilé des chocolatiers et industriels de tous pays qui viennent constater ce qui se passe ici. Lors d’une audience accordée à Son Excellence Madame le Haut-Commissaire de l’Australie, elle m’a confié qu’on parlait beaucoup en bien du cacao camerounais, en Australie comme ailleurs. Résidant à Abuja, elle a dit : « Il faut que je vienne voir », et elle est venue. Voilà donc un cacao qui attire les foules et suscite l’intérêt des experts du monde entier. Évidemment, il faut aussi le dire, la conjoncture est favorable. Mais il faut savoir forcer le destin. La conjoncture seule ne suffit pas. Si l’image de notre cacao n’avait pas changé, nous serions toujours pénalisés par la décote. Il faut se rappeler que nous avons connu des invendus, et que parfois notre cacao a été refoulé du marché. Mais tout cela appartient désormais au passé. Aujourd’hui, comme l’a dit mon collègue le ministre de l’Agriculture, et comme je l’ai rappelé, nous sommes sur la bonne voie. Le gouvernement a mené un travail de fond sur cette filière – et sur d’autres – et il faut avoir l’honnêteté de le reconnaître. Le cacao du Cameroun frôle les cimes de l’excellence. Rien n’est parfait, mais nous y sommes presque.
Sur quel cap fixez-vous la nouvelle campagne qui commence ?
Il s’agit de consolider les acquis, et peut-être d’aller au-delà. Les fondamentaux du marché permettent d’anticiper que la campagne 2025-2026, qui débute, se situera sur des bases quasi équivalentes à la campagne écoulée. Je rappelle, pour éviter toute confusion, que pour la campagne 2024- 2025, les prix ont oscillé entre 3 200 et 5 400 FCFA le kilogramme bord champ. Si l’on se fie aux analyses actuelles, la campagne 2025-2026 devrait se situer sur les mêmes bases. Pour bien mesurer l’évolution, il faut comparer. Pendant longtemps, toucher 1 000 francs paraissait être le graal. C’est un passé lointain. Aujourd’hui, nous ne parlons plus de 1 000 francs, ni même de 2 000 ; la discussion commence à partir de 3 000 francs. C’est une bonne nouvelle pour le producteur, mais il ne faut pas s’arrêter au prix nominal – c’est-à-dire le prix payé au producteur. Il faut qu’il reste quelque chose à la base, car l’essentiel, dans toute activité économique, c’est qu’elle entraîne un changement en profondeur des conditions de vie des populations. Aujourd’hui, quand on se rend dans les zones cacaoyères, on constate que l’habitat a changé et que les choses évoluent. Mais il faut aller plus loin. C’est pour cela que nous parlons de « pacte républicain », c’est-à-dire un engagement mutuel entre le marché – représenté par les exportateurs et les transformateurs – et les producteurs. Nous demandons que cet engagement se traduise par des investissements sociaux au bénéfice des communautés : écoles, centres de santé, adductions d’eau, etc.
Interview menée par Blaise NNANG