Dix ans après l’ouverture de son guichet au public, le 20 juillet 2015, la Banque Camerounaise des Petites et Moyennes Entreprises (BC-PME) dresse un bilan contrasté avec des avancées notables en matière de financement, avec près de 100 milliards FCFA injectés, mais une première phase marquée par des orientations parfois éloignées de sa mission initiale. Une part importante des fonds a été dirigée vers des services peu adaptés aux besoins productifs du tissu entrepreneurial camerounais, soulevant des interrogations sur la cohérence stratégique de l’institution. Ce constat a conduit la BC-PME à opérer un changement stratégique majeur, centré sur l’import-substitution, la transformation locale et les filières productives. « Il s’agit de marquer une pause, de se réorienter, et surtout d’inscrire les financements dans une logique de valeur ajoutée locale », explique Yvette Philomène Fouda Evindi, chef du bureau des filières agro-industrielles et agricoles à la banque.
En une décennie, la BC-PME a ouvert huit mille comptes, apprendon, concentrés essentiellement dans les deux métropoles économiques que sont Douala et Yaoundé. Cette centralisation a limité son impact dans les régions, notamment celles à fort potentiel agricole ou artisanal. Mais 2025 et 2026 marqueront un élargissement géographique significatif. La banque prévoit de s’étendre vers le Grand Nord, l’Ouest, le Nord-Ouest et le Sud-Ouest, régions souvent exclues des grands circuits de financement.
UN REDÉPLOIEMENT EN APPUI AU PIISAH
Dans le cadre du Programme Intégré d’Import-substitution dans l’Agriculture et l’Agro-industrie (PIISAH), la BC-PME a entrepris un redéploiement de ses équipes. Le but est de recruter de nouveaux clients porteurs de projets structurés dans les filières prioritaires du programme. « Une bonne partie des dossiers reçus ont déjà été traités », assure Fouda Evindi, signe que l’appétit pour le crédit ciblé ne manque pas dans les territoires. Mais le chantier le plus structurant reste la restructuration institutionnelle de la BC-PME. A ce sujet, le ministre des PME, de l’Économie sociale et de l’Artisanat, Achille Bassilekin III, a détaillé devant les députés les grandes lignes d’un repositionnement majeur. « Il est question de transformer la BC-PME en banque de développement de seconde catégorie, à l’image de ce qui se fait au Nigeria, en Malaisie ou en Indonésie », a-t-il récemment indiqué devant le parlement.
Dans ce nouveau modèle, la BCPME n’interviendra plus directement en guichet, mais jouera le rôle de canal financier vers d’autres institutions telles que les banques commerciales, les établissements de microfinance, ou autres structures disposant de portefeuilles PME. Ce fonctionnement permettra de mieux répondre aux besoins en financement à long terme, tout en réduisant les risques opérationnels. La Banque mondiale, qui a accompagné des expériences similaires à l’étranger, a été sollicitée par le gouvernement pour proposer un modèle adapté au contexte camerounais. Des solutions sont déjà sur la table, affirme le ministre, en attendant leur validation et leur mise en œuvre.
UN OUTIL À SAUVER POUR ACCÉLÉRER LA TRANSFORMATION ÉCONOMIQUE
Née de la volonté du chef de l’État de doter les PME camerounaises d’un guichet de financement dédié, la BC-PME a connu des débuts hésitants. Mais avec cette nouvelle dynamique, les autorités espèrent en faire un levier central de la transformation structurelle de l’économie, en soutenant la création de valeur locale, la substitution aux importations, et la montée en puissance d’un secteur privé camerounais plus robuste.







