À Mbankomo, petite commune nichée à une trentaine de kilomètres de Yaoundé, les échanges du lundi 28 octobre résonnaient d’un élan nouveau entre les médias et le ministère des Finances : l’implication des journalistes dans les réformes financières au Cameroun. « Les hommes de média ont leur place dans les réformes financières », a souligné avec insistance le représentant du Programme supérieur de spécialisation en Finances publiques (Pssfp). Cette caravane de sensibilisation des acteurs sur la réforme comptable au Cameroun qui a réuni les journalistes spécialisés en économie, mettait en lumière un enjeu : informer sur la réforme comptable, plus précisément sur la mise en œuvre de la 3ème phase du Projet d’appui à la gouvernance financière (Pagfi 3). Lancé en juin dernier, son objectif est d’améliorer la gestion des finances publiques en contribuant aux actions de réformes menées aussi bien au niveau central qu’aux niveaux décentralisé et parapublic. Le Pssfp, en collaboration avec le Minfi, a organisé cet atelier dans le but de rendre les réformes financières accessibles et compréhensibles pour tous. Cette transparence ne se limiterait pas à la simple communication, mais inclurait la participation active des médias dans le suivi de l’évolution de ces changements. Pour le représentant du ministère, les journalistes jouent un rôle clé : « Les décisions et actions gouvernementales, communiquées par les médias, permettent à la population de suivre les réformes et d’en comprendre les impacts. »
PLUS DE 2 800 COMPTES OUVERTS DANS UNE DIZAINE DE BANQUES EN 2022
La journée a vu défiler sept thèmes majeurs qui structurent les réformes en cours, des bases de la réforme des finances publiques en zone CEMAC au cadre conceptuel de la comptabilité générale de l’État. Les participants ont exploré les nouvelles responsabilités qui incombent aux acteurs comptables, ainsi que les exigences de certification des états financiers. Un focus particulier a été mis sur le Compte unique du Trésor (CUT), un dispositif visant à unifier et contrôler les liquidités de l’État pour optimiser les coûts de transaction et raccourcir les délais de versement des recettes publiques. C’est ainsi que l’on apprend qu’en 2022, plus de 2 800 comptes ouverts dans une dizaine de banques accumulaient ainsi environ 600 milliards de FCFA, y compris les fonds des bailleurs, illustrant l’ampleur du défi de la centralisation. Dans un plan d’action structuré, le Cameroun se prépare à mettre en œuvre un nouveau CUT qui prendra en compte plusieurs lacunes identifiées. La première étape est l’élargissement du périmètre du CUT afin d’y inclure toutes les administrations publiques et leurs ressources. Cette centralisation impliquera également des sous-comptes spécialisés pour les recettes fiscales, douanières et domaniales, qui seront automatiquement centralisées dans le compte pivot du Trésor à la fin de chaque journée.
L’une des annonces est le lancement d’une nouvelle plateforme de gestion baptisée AMS/X, prévu pour novembre 2024. Ce système automatisé sera destiné à faciliter la gestion des comptes uniques du Trésor, en intégrant des fonctionnalités techniques avancées pour assurer la fluidité et la transparence des transactions financières. Parmi les étapes préparatoires, des spécifications techniques ont été élaborées, et des sessions de formation pour les administrateurs du système sont en cours afin de garantir un déploiement efficace. Une autre mesure phare de la réforme est le rapatriement des fonds publics dispersés dans les banques commerciales. Conformément à la Loi de finances de 2023, les comptes des entités publiques encore hébergés dans les banques commerciales et les établissements de microfinance devront être fermés au plus tard le 31 décembre 2025. Au-delà de cette formation, le Pssfp ambitionne de pérenniser cet élan de coopération. Pour les responsables de cette initiative, renforcer la participation citoyenne passe par des sessions régulières de concertation et des échanges directs avec les journalistes, devenus de véritables acteurs dans la diffusion des réformes.
Ces initiatives, espère le gouvernement, ne doivent pas se réduire à des actions isolées mais s’ancrer dans une dynamique constante, où chaque session s’ajoute aux précédentes pour construire une transparence durable. Cette réforme budgétaire, fruit d’un effort de concertation, vise à donner au Cameroun un cadre de gestion financière plus rigoureux et stable, afin de répondre aux défis de demain. Dans cet engagement pour une information claire et accessible, les médias jouent ici leur rôle de « quatrième pouvoir », soutenant l’État dans ses efforts pour une gouvernance financière moderne et tournée vers l’avenir.
Dr Edouard Georges Mballa Zambo , PCP/ Programme supérieur de spécialisation en Finances publiques (Pssfp)

« Les hommes des médias ont leur place dans cette réforme »
« Vous préférez rester dans vos publications hebdomadaires pour aborder certains sujets. Mais lorsque cela ne se concrétise pas, lorsqu’il n’y a pas d’effet déclencheur permettant à l’ordonnateur de prendre une décision, rien ne sera fait à leur égard. C’est déjà un bon début ! Aujourd’hui, les journalistes sont dans un cadre de concertation où ils ont reçu une invitation du ministre des Finances. Ce cadre est conçu pour qu’ils puissent faire des propositions et participer activement aux échanges. Les hommes des médias ont leur place dans cette réforme financière, tout comme la société civile, qui a développé divers mécanismes complémentaires pour contribuer à ce processus. Je crois que la balle est désormais dans leur camp. Le ministère des Finances, à travers son programme de sensibilisation à la réforme des finances publiques, a fait appel aux journalistes pour qu’ils s’approprient cette sensibilisation et en font une priorité partagée. Chacun d’entre eux représente une force pour la nation. Ils se surnomment affectueusement le « quatrième pouvoir ». Dès lors qu’ils sont désignés comme un pouvoir, ils ont un rôle significatif à jouer, quel que soit le rang dans cette hiérarchie symbolique. La réforme est là, et elle nous concerne tous. Elle est destinée à éviter certains dysfonctionnements. Dans les réformes, il existe plusieurs volets conçus pour garantir que notre pays reste debout, réactif aux signaux d’alarme lorsque quelque chose ne va pas. Chacun doit se positionner à sa place pour accomplir sa mission. Ainsi, au niveau des médias, les journalistes ont un rôle précis à jouer dans cette réforme. Le ministère des Finances a aussi ses propres responsabilités. Chaque ministère, chaque acteur, que ce soit le ministère de l’Économie ou celui de l’Aménagement du Territoire, a une mission spécifique dans ce projet de réforme. Et tout cela, pour quel objectif final ? C’est pour que, au bout du compte, le panier de la ménagère ressente un impact positif.»