50 ans de la Beac : Défis, progrès, crises.

Si la Banque des Etats de l’Afrique Centrale qui célèbre ses cinquante ans ce mois de novembre a engrangé de grandes victoires pendant son parcours, notamment en termes d’africanisation des postes, de déploiement des structures et équipements dans la zone d’émission, de modernisation de la gestion et de renforcement de la gouvernance, elle a également connu des moments difficiles avec des scandales de détournement. Évocation.

« Au cours des cinquante années qui viennent de s’écouler, la Beac a assumé, avec un succès certain, le rôle d’Institut d’Emission des six Etats membres de l’Union Monétaire de l’Afrique Centrale (Umac), à savoir le Cameroun, la Ré publique Centrafricaine, le Congo, le Gabon, la Guinée Equatoriale et le Tchad. Elle a eu à faire face à bon nombre de défis pour garantir non seulement la stabilité de la monnaie qu’elle émet, mais aussi assurer son rôle moteur dans le renforcement de l’intégration régionale en Afrique Centrale ». Pour Abbas Mahamat Tolli, Gouverneur de la Beac depuis 2017 et auteur de ces propos, aucun doute : au moment où la banque centrale commune aux six Etats de la Cemac célèbre son cinquantenaire, le bilan de son action est satisfaisant, sinon élogieux. Il salue d’ailleurs « le long chemin parcouru depuis 1972, lequel a été marqué par de grandes réformes engagées par l’insti tut d’émission, et qui ont contribué à renforcer durablement la résilience des économies de la Cemac face aux nombreux chocs extérieurs ».

Missions

Les missions principales de la Beac, consistent selon l’article 1er de ses Statuts, à émettre la monnaie de l’Union Monétaire et à en garantir la stabilité. Dans le détail, la Beac œuvre donc à définir et conduire la politique monétaire de l’Union Monétaire, émettre les billets de banque et les monnaies métalliques qui ont cours légal et pouvoir libératoire dans l’Union Monétaire ; conduire la politique de change de l’Union Monétaire ; détenir et gérer les réserves officielles de change des Etats membres. La promotion des systèmes de paiement et de règlement figure également en bonne place dans ses prérogatives, de même qu’elle doit veiller à leur bon fonctionnement et à la stabilité financière dans l’Union Monétaire. Détentrice du privilège exclusif de l’émission monétaire en Afrique centrale en vertu de l’article 20 du titre II de la Convention régissant l’Union Monétaire de l’Afrique Centrale (l’Umac) s’est acquittée de cette mission sans désemparer depuis sa création.

Ce privilège d’émettre les billets de banques et les monnaies métalliques qui ont cours légal et pouvoir libératoire dans les États de l’Union, consigné également dans les statuts de la Beac, est assorti d’un certain nombre d’obligations à travers lesquelles le grand public juge de l’efficience de son action : mettre à la disposition des agents économiques les quantités de signes monétaires nécessaires pour effectuer les transactions de toutes na tures ; garantir les utilisateurs de ces moyens de paiement contre les risques de falsification et de contrefaçon ; assurer une bonne qualité de la circulation des signes monétaires.

Mauvaises notes

Si les dirigeants de Banque centrale se montrent globalement satisfaits à l’exemple du gouverneur Abbas Maha mat Tolli, la rareté des pièces et billets de petites coupures reste une préoccupation importante pour les usagers et bride l’activité économique. Pourtant, selon la Banque centrale, des études sur les besoins du public sont régulièrement menées par la Direction centrale de l’émission à Yaoundé dans le but de rentre la monnaie disponible, mais aussi de veiller à leur qualité à travers le renforcement de la sécurité incorporée dans les billets, en s’arrimant continuellement aux innovations technologiques intervenues ces dernières années dans le traitement et la fabrication des billets de banque. « Des approvisionnements importants en signes monétaires sont régulièrement effectués afin de répartir sur l’ensemble des pays de la zone les billets et les pièces neufs et/ou valides ainsi que des billets à trier, et afin de procéder au rapatriement des billets déplacés de chaque État. La valeur faciale des billets transportés atteint chaque année environ 1000 milliards de FCFA, » sou tien-t-on à la Beac.

Outre ce problème persistant de rareté des pièces de monnaie et des petites coupures, il est également arrivé à la Beac au cours de son histoire de dé frayer la chronique, notamment pour des problèmes de gouvernance. Il s’est avéré que bien des magouilles se tramaient dans les couloirs capitonnés de l’immeuble abritant les services centraux à Yaoundé, mais surtout à Paris, où se trouve la plus importante représentation extérieure de Beac.

La déclaration du conseil d’administration de la Beac à l’issue de la session du 26 Octobre 2009 est édifiante sur l’ampleur du problème : « Des malversations ont été commises au Bureau Extérieur de la Beac à Paris. Au stade actuel des investigations (Rapport du Comité d’Audit du 19 au 24 octobre 2009), le préjudice subi porte sur un total de 16,6 milliards de F CFA, soit 14,3 milliards de F CFA imputables au compte de la Beac à la Société Générale (sur la période 2004-2007), et 2,3 milliards de F CFA sur le compte de la Beac à la BNP (au cours de l’année 2008). Les modes opératoires de ces malversations impliquent essentielle ment l’émission de chèques frauduleux, combinée avec d’autres techniques délictueuses comme les doubles paiements, les détournements de chèques au profit de particuliers et de sociétés, et l’utilisation frauduleuse de titres de transport. Ces malversations, révélait alors le conseil d’administration, ont été rendues possibles par des faiblesses dans le dispositif d’approvisionnement par les Services Centraux du Bureau Extérieur de Paris, donnant lieu à des autorisations de transfert de fonds de montants excessifs et injustifiés, à un rythme anormal ».

Alors que des responsables de la Banque centrale siphonnaient ainsi les ressources de l’institution, et un mal heur ne venant jamais seul, des placements des fonds (environ 328 milliards de francs CFA) de la Banque centrale sur les marchés via la Société Générale en France se sont avérés foireux, occasionnant une perte sèche de près de 16 milliards.

Réformes et défis

Suite à ces malversations et errements, des réformes profondes de la gouvernance de banque centrale ont été mises en place : le renforcement du dispositif du contrôle interne de la Beac à partir de 2010, afin de remédier aux insuffisances à l’origine des malversations financières et des mauvaises décisions de gestion ayant occasionné de lourdes pertes ; l’adoption en juin 2010 et la mise en œuvre du Code des marchés et du Manuel des procédures de gestion des marchés de la Beac, consacrant la transparence; l’égalité de traitement des prestataires et la mise en concurrence systématique. Ces me sures permettent aujourd’hui à la Beac de limiter l’éventualité des détournements massifs ou de placements financiers hasardeux. A cette occasion d’ailleurs, la proportion des réserves de change placée en compte d’opération au trésor français est passée de 65% à 50 %.

Au-delà de ces problèmes de gestion interne, la Beac a eu à affronter les crises économiques qui ont affecté tant les réserve de change que ses résultats. Pour le gouverneur Abbas Maha mat Tolli, la Beac est restée très résiliente, malgré les crises liées à la pandémie de Covid-19 et aux répercussions de la guerre en Ukraine, notamment l’inflation : « la Beac continue de faire preuve de résilience et d’une grande capacité d’adaptation et répondre aux besoins des économies de la Communauté Economique et Monétaire de l’Afrique Centrale (Cemac). Elle s’emploie ainsi à relever les défis actuels et futurs ; défis inhérents à une transmission plus efficace des impulsions de sa politique monétaire, à la modernisation des systèmes et moyens de paiement à l’ère de la digitalisation, à l’implémentation complète de la réglementation des changes et une gestion optimale des réserves extérieures, à la promotion de l’inclusion bancaire, au renforcement de la supervision bancaire et de la surveillance macroprudentielle, et enfin à la mise à disposition des signes monétaires plus sécurisés et sans cesse améliorés ».

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