Zones anglophones : de la crise politique au désastre social et économique

En trois ans de violence, les morts se comptent par centaines et les déplacés par milliers. Les prestations sociales essentielles (écoles, hôpitaux) sont presqu’à l’arrêt, tandis que l’activité économique est en quasi extinction.

C’est un désastre pour l’économie camerounaise. Du fait de la crise sociopolitique qui secoue les régions du Sud-Ouest et du Nord-Ouest depuis plus de deux ans, les indicateurs économiques de l’Etat sont en chute libre. Un rapport du Groupement Inter-Patronal du Cameroun (Gicam) sur la situation révèle que le Trésor camerounais a déjà perdu plus de 6 milliards de francs CFA en termes de recettes fiscales pour l’Etat au titre de l’acompte de l’impôt sur les sociétés. Le manque à gagner en termes de chiffres d’affaires pour les entreprises pouvant dépasser les 270 milliards de francs CFA. D’ailleurs, sur 1 511 entreprises créées dans ces deux régions depuis 2011, rares sont celles qui résistent au vent de la crise. Alors qu’on recense déjà à près de 6 500 emplois perdus sur les sites agroindustriels en arrêt de production.

Les régions anglophones concentrent pourtant une part importante des activités agricoles du Cameroun (café, thé, cacao, palmiers à huile, plantain etc.). Le Nord-Ouest représente environ 70% de la production nationale du café arabica, tandis que le Sud-Ouest fournit 45 % du cacao camerounais.

Le problème ? Le climat délétère qui règne dans ces deux régions met à mal aussi bien la production que la collecte, le commerce et le transport des produits. La crise impacte négativement les exportations de cacao [génératrices de devises, Ndlr.] et par conséquent la balance des paiements. Il y a longtemps que le Sud-Ouest a perdu sa place de leader dans la production nationale de cacao au bénéfice de la région du Centre, passant de 45,45 % des ventes nationales de cacao à 32 %, soit une perte de 43000 tonnes sur la campagne 2017/2018. La perte financière qui en découle est de l’ordre de 56 milliards de francs CFA en valeur de recettes d’exportation (rapatriement de devises), dont 35 milliards de francs CFA de recettes des agriculteurs du Sud-Ouest en considérant les cours du cacao sur le marché mondial. Cette perte devrait avoir connu une hausse à la fin du premier trimestre de cette année 2019.

CDC : 35 milliards de francs CFA de pertes

A Buea, la Cameroon Development Corporation (CDC), le deuxième employeur du pays après l’Etat, est à l’agonie. Seuls 7 sites sur 29 sont encore fonctionnels. La Direction de l’entreprise évalue les pertes à près de 35 milliards de francs CFA. En possession de terres réputées pour leur fertilité, la CDC compte aujourd’hui 40 000 hectares de plantations d’hévéa, de palmiers à huiles et de bananeraies à l’abandon. Sur le site, l’usine où étaient empaquetés chaque jour 70 tonnes de bananes destinées à l’exportation est partie en fumée, brûlée par les sécessionnistes.

A l’instar de cette unité de production, 63 % des activités de la CDC sont à l’arrêt. Une bonne partie des 22 000 employés a déserté les plantations, menacé par des séparatistes qui leur reprochent de travailler pour « la République ». Or, à mesure que la crise s’enlise, les dommages ne cessent de s’aggraver avec leurs lots de souffrance. « Nous avons enduré des pertes financières énormes, confie Franklin Ngoni Njie, directeur général de la CDC au micro de France 24 Télévision. Pour donner une estimation très prudente du manque à gagner, on parle de 53 millions d’euros au bas mot. Alors même si la sécurité revient, cette entreprise a besoin d’au moins 46 millions d’euros pour survivre. Si nous n’avons pas accès à ces financements, nous ne pourrons continuer nos opérations ».

Le retour à la sécurité et au calme étant la première solution aux problèmes. Chose qui tarde à être implémenter face à la résistance des sécessionnistes. C’est en effet en novembre 2016 que tout commence avec un mouvement d’humeur mené par des enseignants et des avocats anglophones. Se disant comme marginalisés, ils réclamaient un meilleur traitement, au même titre que leurs confrères francophones. Leurs revendications ont été jugées légitimes, non seulement par les organisations de la société civile, mais également par les pouvoirs publics, qui ont répondu favorablement à la majeure partie de leurs doléances.

La situation semblait donc sous contrôle jusqu’à ce qu’une autre vague de protestataires, manipulés par une poignée de ressortissants anglophones résidant en Occident, voie le jour dans ces deux régions. Les leaders ont affiché leurs ambitions : la séparation des régions du Nord-Ouest et du Sud-Ouest du reste du pays. Alors que d’autres sont plutôt favorables au dialogue pour un retour au fédéralisme. Deux options que le président Paul Biya n’est pas prêt d’accepter.

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