Une opposition si désespérante ! si affligeante !

Par Moussa Njoya, Politologue

Gouvernance: les paroles s’envolent mais la réalité reste !

Qu’il est dur ces derniers temps d’être camerounais. Rien n’avance, rien ne marche. Pire, on s’enfonce tant sur le plan matériel, infrastructurel qu’humain. Plus que jamais, la situation est catastrophique, et l’impression d’aller droit au mûr omniprésente.
Pendant que dans d’autres pays, dans des situations similaires les citoyens se consolent et gardent espoir grâce à l’existence d’une alternative au gouvernement incompétent en place, le visage qu’offre l’opposition camerounaise ces derniers jours est désespérant. Tout simplement affligeant.

TECHNOSTRUCTURE QUASI-INEXISTANTE

La technostructure peut être globalement définie comme l’ensemble des cadres dirigeants ou subalternes, des techniciens et des spécialistes qui participent à la prise de décision en groupe dans une organisation. Inspirée du monde des entreprises, elle renvoie plus concrètement à l’ensemble de tous les experts, haut techniciens, technocrates qui participent ou inspirent les décisions politiques.

La technostructure semble ainsi fondamentale et
essentielle pour tout parti politique, car c’est elle qui conçoit les orientations et les décisions qui seront implémentées par les militants. Mais force est de constater que celle-ci est quasi-inexistante dans les partis d’opposition du Cameroun. S’il peut arriver que dans quelques cas (encore que) le président ait une formation académique et un parcours professionnel assez confortable, généralement autour d’eux c’est le grand vide. « Noyau dur et case vide », dirait quelqu’un.
Du coup, l’ignorance des responsables des partis d’opposition sur des sujets majeurs, et la vacuité de leurs propositions alternatives quant au désastre que vit la Cameroun plonge inexorablement le citoyen dans une forte angoisse. Généralement, ils en savent peu sur très peu. Et ce même dans le domaine purement politique.

INJURES ET SAILLIES EN GUISE DE PROGRAMME

Par conséquent, leurs programmes politiques, ou ce qui en tiendrait lieu, au lieu d’être des propositions alternatives chiffrées et cohérentes, inspirées d’une connaissance pointue de la réalité actuelle ainsi que des standards internationaux en vigueur, se résument en des injures et des saillies bouffonnes.

Osez critiquer quelque peu la démarche, la posture ou encore le propos d’un « leader » de l’opposition, vous avez la garantie d’une pluie d’injures, d’attaques ad hominem, de voir votre vie familiale et personnelle fouillée et balancée sur la place publique. Une inquisition plus qu’effrayante, et qui fait plus que redouter le jour où ces opposants arriveraient au pouvoir.

On en vient par désespoir à louer la « tolérance » du régime en place, qui est pourtant très loin d’être réputé et célébré pour sa souplesse et son ouverture. Surtout qu’entre temps, ces partis d’opposition se lient à des « alliés » portés sur la division de la société, adeptes des discours génocidaires et de suprémacisme tribal, dotés de la vulgarité la plus abjecte.

GUEGUERRES INTESTINES DE CHIFFONNIERS

Et comme tout monstre qu’on fréquente ou qu’on fabrique, ces « monstres » asociaux ne tardent pas très souvent à se retourner contre leurs « maitres ». Bienvenu les guerres intestines, foires d’empoigne dont le caractère nauséabond n’a d’égal que le vide abyssal qui habitent ces protagonistes.

On se tire les chignons pour des cacahuètes, des gadgets, des conspirations somme toute enfantines. Aromatisées par des égos surdimensionnés très mal placés.
Il s’en suit naturellement que des alliés plus pertinents, et qui auraient eu une contribution plus que notable à la « lutte » du fait de leurs fortunes et surtout de leurs renommées dans leurs activités respectives quittent le bateau. Fatiguées de se voir trainés dans la boue par ceux-là mêmes pour qui ils sont censés se battre. Tandis que bon nombre « d’âmes de bonne volonté » se découragent.

MORALITE PLUS QUE DOUTEUSE

Ces disputes internes sont aggravées par des scandales en tout genre. Le 24 aout dernier, Prosper Nkou Mvondo, leader du parti Univers publiait sur son compte Facebook, « première journée du tournoi inter-poules, ce 24 aout 2019, au stade de Bertoua : Ngaoundere Football Club, champion de l’Adamaoua, écrase Rizière du Noun, le champion de l’Ouest, par un score de 4 buts contre 0. Vous êtes loin de cette jeunesse roublarde que j’ai rencontrée dans le cadre d’une autre de mes multiples activités d’encadrement et de promotion de la jeunesse ». Une allusion appuyée au scandale politico-financier qui l’oppose depuis des mois à son ancien poulain à l’élection présidentielle, Cabral Libii.

Mais ce cas est loin d’être isolé. En effet, pas une semaine ne passe sans qu’une affaire de sous ou de mœurs ne soit révélée au sein des formations de l’opposition. Surtout parmi ceux qu’on pourrait appeler les « nouveaux opposants ».
De quoi renforcer cette image de « la politique du ventre », si chère à Jean François Bayart quand il décrit l’activité politicienne au Cameroun comme se résumant pour ceux qui s’y engagent à « manger et boire ». Aussi, le peuple voit-il en tous ces politiciens, rien d’autre que des affamés qui ne veulent qu’une place à la table du « grand gâteau national ». Surtout que la vacuité programmatique n’arrange pas les choses.

Du coup, c’est dans ce sentiment populaire du « tous pourris », qu’il faudrait alors rechercher les raisons du déficit d’adhésion aux partis politiques, du très bas niveau d’inscriptions sur les listes électorales, de la faible participation aux manifestations publiques, et de l’abstention électorale massive.

UNE CARICATURE DU REGIME EN PLACE

Cet état des choses est dû au fait que les populations ont la nette impression que même s’il advenait qu’il y ait changement de personne à la tête de l’Etat, rien ne va changer. Car à voir les uns et les autres agir, l’on a le sentiment d’être en face d’une caricature du régime en place. Opinion renforcée par le discours de ces « néo-opposants » eux- mêmes qui face aux récriminations, au lieu de se corriger ou de faire amende honorable, se contentent en guise de justifications, quand ce ne sont pas les insultes, de dire que le gouvernement fait pareil. Comme s’il s’agissait pour eux de prendre le pouvoir pour faire comme l’actuel parti au pouvoir. Là où la société s’attendrait à ce qu’ils fassent autrement ?

Peut-on lutter contre le tribalisme par le tribalisme ? Soigner la corruption en étant corrompu ? Répondre aux mensonges par le mensonge et la manipulation ?
C’est ainsi que pris d’une forme de dépit, de désarroi personnel face que dérives répétées de ses camarades, Wilfried Ekanga écrivait à ses camarades du Mrc, « Faut-il chasser Paul Biya pour Biya Paul ? (…) Ne vous y trompez pas : si le MRC accède au pouvoir et reproduit l’ancien système, je serai son premier adversaire. D’ailleurs, que le MRC soit au pouvoir ou non, s’il répète les schémas qu’il a lui-même jadis combattus, je serai le premier ennemi sur sa route. Ça s’appelle le discernement. Et en principe, chacun devrait entretenir cette vision. (…) Toutefois, je demeure un penseur libre. Un parti n’est pas une loge secrète où l’on accepte comme des automates, des choses auxquelles on n’adhère pas en principe. Je ne me laisserai donc jamais entraîner sur des couloirs que je désapprouve. (…) Dans le même temps, je m’oppose au copinage, au flou financier, à la lourdeur bureaucratique et à l’amateurisme de certaines actions. Toutes ces choses que j’ai vues au Rdpc et associés, et que je n’ai aucune envie de revoir ici. ».

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