Succession : qui se cache derrière le mouvement Franckiste ?

franck-biya. Certains misent sur lui pour 2025

Lancé il y a quelques jours, « le mouvement citoyen des franckistes pour la paix et l’unité du Cameroun » (MCFP) a pour objectif de soutenir la candidature de Franck Emmanuel Biya à la prochaine élection présidentielle. Sans l’aval du concerné.

Ce n’est pas vraiment une surprise. Depuis l’alternance de père en fils réussie au Gabon, l’idée d’une alternance similaire au Cameroun s’est répandue au sein de l’opinion. La rumeur selon laquelle Franck Emmanuel Biya se serait inscrit à l’université pour y faire des études en science politique s’était d’ailleurs répandue comme une trainée de poudre. Et il y a plus d’un an déjà, plusieurs internautes de la diaspora avaient annoncé que le fils du président Paul Biya, était en train de faire du lobbying et du training à Paris, afin d’obtenir le soutien des politiques pour accéder à la magistrature suprême en 2025. Depuis quelques semaines, la rumeur enfle. C’est sur la toile que la nouvelle annonçant la création d’un nouveau mouvement est partie pour faire le tour du monde. Dénommé : « Le Mouvement Citoyen des Franckistes pour la Paix et l’Unité du Cameroun », son objectif est de : « porter Emmanuel Franck Biya au pouvoir dans le strict respect de ses valeurs dont la probité morale ».

Plusieurs noms se revendiquent être à l’initiative du mouvement l’on cite un certain Alain Fidèle Owona Zoa, coordonnateur national des plateformes watsapp et un certain Mohamed Rahim Noumeu, président exécutif du mouvement. En quelques semaines l’initiative a enregistré près de 23.000 adhésions sur sa plateforme Facebook. Malgré cette forte adhésion le mouvement suscite encore quelques questionnements : qui est réellement à l’origine de cette initiative ? Franck Biya a-t-il donné son aval pour la création de ce mouvement ? Quelle sont les réelles intentions de cette initiative ?

Les Franckistes en rangs dispersés

A peine né, le mouvement Franckiste s’est déjà multiplié en plusieurs groupuscules. « Il n’y a pas un unique mouvement Franckiste, c’est des groupes indépendants et qui ne se connaissent même pas, il y a aussi des individus qui font des publications dans ce sens juste par suivisme et fantaisie. Mais on peut distinguer deux principaux courants dans cette affaire », informe Rostand Akono Ze, un Franckiste-Biyaiste. Parmi les courants, l’on note ceux qui veulent voir Franck Biya au pouvoir, parce qu’espèrent-ils, il peut être la meilleure photocopie de Paul Biya et « pourra préserver les valeurs de paix et de l’unité ». Mais il y a aussi « des faux Franckistes qui peuvent tout donner pour qu’aucun Bulu où Ekang ne soit au pouvoir après Biya. Ils voient donc en Franck Biya un redoutable adversaire. Et savent très bien que le fils de Paul Biya par sa discrétion peut facilement bénéficier d’une réputation et du soutien de plusieurs Camerounais. Ils veulent ainsi brouiller les pistes en incitant le peuple à rejeter au plus vite cette situation ».

Les initiateurs du mouvement se crêpent déjà le chignon. Le 6 mars 2021, Mohamed Rahim, président du mouvement exclut Alain Fidèle Owona Zoa, le coordonnateur National des groupes WhatsApp. Il est remplacé par un certain Ewolo II Joseph. Quelques heures plus tard, un communiqué du secrétaire général, Gamaliel Foguem exclut définitivement Alain Fidèle Owona Zoa pour : « Haute trahison, prise d’intérêt personnel et égoïsme ». Les dernières sorties du président exécutif du mouvement démontrent d’avantage que l’ennemi est dans la maison. « Nous avons tous pu constater ce cafouillage qu’il existe au sein de ce mouvement. A compter de la date de signature de ce document, mon équipe et moi-même ne sommes plus responsables des inepties qui se passent dans le forum national, pris en otage par un groupuscule de hors-la-loi », écrit Mohamed Rahim Noumeu, le 13 mars dernier. Après médiation et un conseil de discipline le 12 mars 2021, Alain Owona a été rétabli dans ses fonctions de coordonnateur national.

Franck Biya étranger « de son propre mouvement »

Le mouvement des Franckistes serait-il né avec la bénédiction de certains membres de la famille présidentielle, comme certains le subodorent ? Toujours est-il que Franck Biya, le principal concerné semble n’avoir pas été mis au courant de cette initiative. Néanmoins, l’idée continue de prospérer autour de lui et les appétits s’aiguisent de plus en plus. L’on apprend d’ailleurs que la guéguerre qui opposait les fondateurs du mouvement, il y a quelques jours serait née du fait qu’un des leurs aurait perçu de fortes sommes d’argent sans en informer les autres. L’on apprend aussi que plusieurs barons du sérail qui sentent leurs positions menacées par ceux qui tiennent actuellement les rênes du pouvoir, auraient approuvé l’idée. Une façon pour eux de barrer la voix à ces caciques du Rassemblement Démocratique du peuple Camerounais que l’on dit en pole position pour une éventuelle succession à Etoudi.

Une difficile équation

Même si l’alternance à la tête du Cameroun semble encore lointaine, plusieurs analystes rencontrés ne partagent pas l’avis selon lequel Paul Biya voudrait passer le pouvoir à son fils. « L’homme du 06 novembre soucieux de laisser le pays en paix, sait mieux que quiconque que l’instabilité et le pourrissement observés dans de nombreux pays, sont quasi-systématiquement, la résultante d’une mauvaise transition. Et jeter son propre fils ainsi à l’ultime round sur la scène politique, semble suicidaire, et même contraire aux règles du jeu politique. C’est quelque chose qui se prépare longtemps à l’avance. Car se servir du fils pour remplacer le père, pourrait créer de vives contestations y compris dans les rangs de son propre parti, ou personne ne se souvient l’avoir vu aborder une seule fois en public, la tenue du parti », soutient un analyste. Un militant du parti au pouvoir qui a requis l’anonymat semble être du même avis : « Si Paul Biya voulait aider Franck, il y a longtemps qu’il l’aurait fait rentrer en politique et lui trouver un poste quelque part. Mais nous l’imposer de cette sorte à la dernière minute, ce serait nous prendre pour des schizophrènes ». Même s’il s’avère que ce mouvement serait soutenu à partir de l’extérieur, certaines grilles d’analyse qui prennent en compte la sociologie politique du Cameroun et les principes démocratiques laissent déjà voir combien l’équation de céder le pouvoir à Franck Biya sera difficile.
Par Joseph Essama

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