Péril sur le Poisson: Les TIC pour sauver la pêche africaine

Par André Naoussi, envoyé spécial à Tanger (Maroc) Aucune piste ne semble de trop pour stopper l’exploitation abusive des ressources halieutiques du continent africain. Cette fois, les tiC sont appelées en renfort. les représentants de dix-huit pays ont examiné les contours de la question, lors d’un séminaire organisé début juillet dans la cité portuaire de Tanger, au nord du maroc.

D’un côté, des pirates qui modernisent sans cesse les techniques pour que la pêche illégale échappe à tout contrôle. De l’autre, des acteurs nationaux qui s’adonnent à une exploitation effrénée des ressources marines, pour le commerce ou la consommation. Au centre, des États soucieux de promouvoir une pêche durable (exploiter les ressources d’aujourd’hui sans compromettre l’avenir), mais qui ne parviennent ni à contrecarrer les corsaires ni à atteindre les exploitants, faute d’outils appropriés. Pour apporter une contribution à la résolution de cette quadrature du cercle, la Conférence ministérielle sur la Coopération halieutique entre les États africains riverains de l’Atlantique (Comhafat), a donc initié une concertation de responsables sur le thème : « Technologies d’Information et de Communication : quel rôle dans la réalisation d’une pêche durable en zone Comhafat ? »
Il s’agit de renverser la tendance, pour que l’usage des TIC stoppe la dégradation continue des stocks de poissons exploités à un niveau biologiquement durable en Afrique, qui est passée de 90 % en 1974 à 65% en 2015, selon des études de la FAO (tandis que celle des stocks exploités à un niveau biologiquement périlleux est passée de 10% à 35% dans la même période). Une évolution qui ne semble pas près de s’estomper, avec les progrès technologiques et l’accroissement des populations côtières. Ce sont justement ces technologies qui peuvent la contrecarrer.
Eliana Haberkon, de la FAO, a démontré qu’avec des investissements basiques, dans une approche participative (décideurs, pêcheurs, vendeurs, consommateurs, médias, etc.), on peutse servir de téléphones mobiles, de tablettes, de WhatsApp, pour communiquer sur les bonnes pratiques ou sonner l’alerte sur les cas d’irrégularité. Dans le même sens, Abdennaji Laamrich, de la Comhafat, a déroulé une palette d’activités que les TIC peuvent influencer pour une pêche durable : modernisation des techniques de pêche, maitrise des circuits de commercialisation, campagnes pour les changements des lois et des habitudes, réseautage des acteurs, collecte et traitement des données, contrôle des engins de pêche. Dans ce combat le Maroc a pris une longueur d’avance, et se dit disposé à faire profiter d’autres pays africains de son système d’information « Samac » (« poisson » en arabe) pour le contrôle et la certification des captures, ou encore des facilités de l’Institut National de Recherche Halieutique.
De la volonté et des moyens
En dépit de disparités fortes, les témoignages des participants et les études d’experts dégagent une constante dans les pays africains en matière de développement des TIC : volonté politique peu forte, insuffisance de moyens (financiers, humains et
techniques), lourdeurs administratives et institutionnelles, faible implication du secteur privé et de la société civile.
« Pendant ce temps, les pirates investissent lourdement dans les technologies modernes de communication pour accentuer la pêche illégale », a martelé un des animateurs du séminaire. D’où la nécessité d’agir vite, mais bien : «Les TIC dans la gestion de la pêche, si elles ne sont pas pensées dans le cadre d’une stratégie claire et volontariste des pouvoirs publics, elle-même intégrée dans une politique nationale de l’information et de la communication, peuvent ne pas aboutir à l’effet escompté», souligne Abedelouahed Benabbou, Secrétaire exécutif de la Comhafat.
Assumant des responsabilités importantes dans le secteur de la pêche de leurs pays, à un niveau supérieur ou intermédiaire, les séminaristes se sont dit mieux outillés pour faire bouger les lignes, suggérer des politiques plus incisives, avec des moyens conséquents. Bien plus, ils mettent sur pied une plate-forme pour échanger les expériences, et renforcer la coopération régionale pour une utilisation optimale des TIC en vue de la pérennité des ressources halieutiques du continent.

Quelques outils et applications TIC utiles à la pêche

– Téléphone portable et tablettenumérique (messages, alertes, géolocalisation).
– Facebook, WhatsApp (échanges interactifs : captures, commercialisation, sensibilisation, dénonciations).
– VMS : Vessel Monitoring System. Système de surveillance de bateaux par satellite.
– AIS : Automatic Identification System. Système autonome d’identification et surveillance des navires (permet d’éviter les collisions et de contrôler les circuits des navires).
– VDS : Vessel Detection System. Système d’acquisition des données par radars et drones (avec visibilité sur les zones très éloignées des côtes ; moyen le plus flexible et le moins coûteux).
– ERS : Electronic Recording and Reporting System. Permet de suivre le type, l’origine, les quantités, les circuits des captures.
– Ghostfishing (pêche fantôme). Permet de repérer les filets perdus ou jetés en mer, pour les enlever ou les détruire.
– Bycatch & Discards (prises accidentelles et rejets). Permet de récupérer les produits incrustés au passage des engins de pêche, notamment les cétacés.
– Système d’information géographique (SIG, pour la cartographie des captures et des zones de pêche)

In Défis Actuels N°406 du 29 Juillet 2019

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