Minesup/Recrutement d’enseignants : Des recalés dénoncent fraudes, frustrations et copinage

Plus d’une centaine de manifestants assiègent l’Immeuble ministériel N°2 depuis samedi pour dénoncer le non-respect des instructions du président de la République.

Une foule campe devant les services du ministre de l’Enseignement supérieur depuis ce samedi 14 décembre 2019 à Yaoundé. Ces près de 150 personnes y ont passé la nuit. C’est une partie du collectif des docteurs et détenteurs de PhD non recrutés par l’Etat du Cameroun. Ils sont venus dénoncer leur non recrutement dans le cadre du projet présidentiel de recrutement de 2000 enseignants détenteurs de doctorats et de Phd dans les universités d’Etats. La première phase du processus ayant abouti au recrutement de 1080 jeunes camerounais dans les différentes universités d’Etat du Cameroun. En foi, la liste rendue publique vendredi dernier nuitamment.

« Cette liste trahit la tricherie qui a entouré les sélections», dénonce un candidat recalé. Regroupés autour de Dr Moustpaha Moncher Nsangou, le président de leur collectif, les contestataires crachent leur venin : « Moi, j’ai encadré beaucoup de jeunes doctorants qui pour certains n’ont soutenu que récemment et je suis surpris qu’ils soient recrutés alors que je ne le suis pas», trouve curieux Patrick Djampa. Ils sont nombreux dans cette situation. « C’est plus compliqué chez moi car je suis à la limite d’âge et je n’ai pas été retenue. Ce qui fait que je n’ai plus d’autre chance après ça», se plaint Brigite Lekane. Celle-ci est la bête noire du président du collectif. «Il ne faut pas qu’elle manipule les autres. Les critères ont été définis clairement. Maintenant, elle veut entraîner tout le monde dans sa situation », lui reproche Dr Nsangou. « De quoi parle-t-il ? J’ai contribué au choix de certains candidats, et me voici oubliée. Quoi qu’il en soit, le président de la République a demandé de recruter tous les PhD sans emploi», lui rappelle celle-ci. Déterminée à faire entendre sa voix, cette dernière compte aller jusqu’au bout de son action pour se faire recruter. Une porte reste ouverte. Au départ, il était prévu le recrutement de 1000 candidats pour le première phase, ensuite 500 pour la deuxième et autant pour la 3ème phase. Le tout sur trois ans. Puis, à la première étape, l’on est allé à 1082 candidats. Sauf que « la liste compte de nombreux doublons, et nous demandons que non seulement la prescription présidentielle soit respectée, mais aussi, que les personnes atteintes par la limite d’âge soient recrutées en remplacement des candidats retenus doublement», insiste un radical.

Marche de remerciement

Une partie du problème revêt une connotation tribale. « Pourquoi n’a-t-on rejeté e priorité que les Bamiléké ?» se demande un des recalés, voyant un règlement de comptes à coloration politique. « Ce n’est pas un hasard. Nous payons un prix que nous ignorons, mais il y a une réalité qui saute à l’œil : les recalés sont prioritairement d’une même région», souligne un mécontent. Le président du Collectif en a une réponse : « 65% des candidats étaient originaires de l’Ouest. Ce qui suppose que même si on prenait tous les candidats de l’Ouest, tous ne seraient pas pris », explique Moustapha Moncher Nsangou. Et d’ajouter que « l’Ouest et le Centre ont une majorité obèse dans les chiffres retenus jusqu’à présent». Pas de quoi convaincre les radicaux : « A l’Iric, certains ont été retenus sans avoir répondu à tous les critères, ni avoir passé toutes les étapes du processus, pendant que d’autres candidats recalés avaient pourtant rempli toutes les conditions », remonte à la charge, un autre. Le leader a du répondant : « les gens oublient que les critères n’étaient pas les mêmes dans toutes les universités. »

Une marche programmée par les services du Minesup pour « remercier » le chef de l’Etat pour sa « magnanimité » en faveur des jeunes titulaires du Doctorat et du PhD divise le collectif. « Pourquoi allons-nous marcher ?» demande un mécontent. « Les gens ne sont pas obligés de marcher », répond Dr Moustapha Moncher Nsangou, président de leur collectif des candidats au recrutement. « Pourquoi vous n’étiez pas avec nous la nuit ? Nous n’avons pas le même sort », lui rétorque une autre voix. « Je suis dans une situation embarrassante. Je ne peux pas vous lâcher parce que je suis le leader choisi au départ et j’ai le devoir de me battre pour tous ; mais je ne peux non plus me mettre à combattre le gouvernement. Mon rôle est de porter le message de tous. Il ne faut pas oublier ; certains croient que le groupe est divisé. Faux : le groupe est toujours uni. Il y a une situation qui ne pouvait pas ne pas arriver : c’est que tout le monde n’a pas été retenu. Même au terme du processus, il y aura toujours des frustrations, puisque les candidats sont plus nombreux que le nombre de places », essaie de recadrer Dr Nsangu Moncher.

Peine perdue. L’homme est étiqueté désormais comme un « pion » du gouvernement auprès de ses camarades pour les distraire. « Il y a des choses que je ne peux pas dire de ma position. Mais je voudrais remettre les choses au clair. Il était prévu une marche de remerciement au chef de l’Etat pour le recrutement ; et c’est normal, on ne manque jamais de dire merci, mais en Afrique, quand on dit merci, c’est qu’on redemande. Donc il est question pour nous de dire merci demain au chef de l’Etat, mais en lui disant que nous ne sommes pas satisfaits», essaie d’expliquer le leader du collectif désormais en lambeaux. « Là nous sommes d’accord. Faites votre marche et laissez-nous faire notre sit-in en paix car il n’est pas question pour nous de dire merci alors que nous avons été frustrés», s’oppose un des caciques. Mais dans l’ensemble, l’interface entre le collectif et les pouvoirs publics parvient à convaincre : « Après la marche, nous rencontrerons le ministre ; et nous devons y aller ensemble pour porter le message ensemble», assure Dr Nsangou. Obligé de lire en public la lettre initiée à l’intention des autorités gouvernementales, pour résoudre le problème qui se pose.

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