Avenue Kennedy ! Ici, c’est le cœur du marché noir du centre-ville de Yaoundé. Ce vendredi 02 juillet 2019, en face du supermarché qui fait face à la grande cathédrale Notre Dame des Victoires, un alignement d’hommes, tous tenant en main des liasses de billets de banques, accoste les passants. Tout au long du corridor qui mène à l’Institut Français du Cameroun, les changeurs d’argent sont présents. A chaque pas, c’est la même question qui sonne aux oreilles, « vous voulez changer l’argent ? » Après plusieurs propositions, nous décidons enfin de nous arrêter chez Yaya. Mais pour plus de discrétion, il nous propose de nous retirer à l’intérieur du restaurant qui se trouve juste à côté. Y étant nous lui faisons savoir que nous voulions acheter 10.000 euros. Compte tenu de la rareté des devises, fait-il savoir « je peux collecter de l’argent chez mes fournisseurs et satisfaire votre demande. Mais Je vais vous faire un euro à 750 francs CFA », dit-il. En face de notre étonnement, il explique que « l’argent est rare, pour collecter le montant que vous demandez, ça ne sera pas facile. Et partout, tout le monde a mis la barre haute pour profiter de cette situation. Moi-même j’achète à 740 francs CFA, pour avoir un bénéfice de 10 francs CFA ». Malheureusement la transaction ne peut avoir lieu, car le taux de change qu’il propose est exorbitant, au regard du taux de change règlementaire qui est de 655.5 francs CFA l’euro. Selon les informations glanées sur place, le taux de change entre l’euro et le franc CFA, en ces moments de crise des devises, a parfois atteint la barre de 800 francs CFA dans le marché noir, soit un bénéfice de plus de 25 % de la valeur normale. Un prêtre qui voyageait pour la France en début du mois de juillet dit avoir acheté l’euro à 800 francs CFA à l’aéroport international de Nsimalen. « J’ai dû revoir tous mes calculs et cela m’a créé un énorme préjudice », regrette-t-il
Faux billets
La duperie ne concerne pas seulement le taux de change, il y a aussi un phénomène des faux billets qui secoue le marché noir de la vente et de l’achat de la monnaie. « J’avais acheté 1200 euros et je me suis retrouvé avec un faux billet de 50 euros », se souvient Nebe Moukoko qui voyageait pour le Maroc. Un ancien cambiste confie que le nombre de faux billets en devise étrangère qui se retrouvent dans le marché noir est très faible, « mais le nombre de faux billets en monnaie locale est considérable ». Sans citer la provenance de ces faux billets, il affirme que derrière cette activité d’achat et de vente d’argent, se cache « un business de blanchiment d’argent ». Il avoue que certains changeurs d’argent « avaient la réputation de toujours introduire un faux billet dans toutes les transactions qu’ils opéraient, ce qui nous amenait parfois des problèmes », se souvient-il.
Sources d’Approvisionnement
« Les sources d’approvisionnement sont nombreuses et dépendent des ramifications de chacun », affirme l’ancien cambiste. « Moi je vendais l’argent d’un Aladji. Quelque soit le montant dont j’avais besoin, il pouvait me le fournir ». Mais d’autres vendeurs indiquent qu’ils se ravitaillent auprès des banques commerciales, de la Banque des Etats de l’Afrique Centrale, et aussi auprès des « gens qui reviennent des voyages ». « Quand il n’y a pas rupture de stocks des devises, nous avons nos amitiés auprès des banques commerciales qui nous fournissent les montants que nous sollicitons », dévoile une source. « A la Beac, il faut passer par plusieurs personnes, car le montant de change acceptable par personne, n’est pas très élevé et ne pas satisfaire la demande du marché ».
Par Joseph Essama (Défis Actuels No 408)