Les véritables raisons de la crise à la Stecy

Engagements non tenus, mauvaise gestion, détournement et vols du matériel sont à l’origine de la tension financière de l’entreprise.

Célestin Hermann Tsambou, DG Stecy

Yaoundé, Bata Nlongkak, ce mardi 23 juillet 2017, il est 12 heures 30 minutes. Le soleil peine à faire étendre ses rayons sur la cité capitale. A la Société de Transport et Equipement de Yaoundé (Stecy), c’est le calme absolu. Les bus sont soigneusement garés dans les terminaux. Difficile de savoir s’ils sont en panne ou pas. Le vacarme qui régnait quelques jours avant a disparu. A la guérite, la dame qui nous accueille reste sur ses gardes. Impossible d’obtenir une information. Même l’assistant du chargé de la communication présent sur les lieux refuse de s’exprimer sur la grève des employés en cours depuis une semaine. « Je ne veux pas vous parler », fait-il savoir en manipulant son téléphone. Joint par téléphone M. Bega, chargé de la communication nous fait savoir que: « les employés ne sont plus en grève. Nous assurons le service minimum. Un consensus n’a pas encore été trouvé mais je pense que nous aurons des solutions d’ici la tenue du Conseil d’administration prévu pour le 25 juillet ». Et de poursuivre : « n’exagérez pas, l’entreprise n’est pas en faillite. Elle connait juste un moment de crise comme toutes les autres. La situation financière n’est pas aussi alarmante que ça » .

En effet, les employés de Stecy en grève depuis plus d’une semaine réclament les arriérés de salaire de plus de trois mois, le non paiement de primes et autres indemnités. Ils dénoncent également le manque de véhicules (la majorité étant en panne) pour desservir les 13 lignes reliant Yaoundé à ses périphéries. Mais depuis jeudi dernier, le service minimum n’assure que cinq des treize lignes. « Stecy va mal. Même si on ne le dit pas ouvertement, cette entreprise traverse d’énormes difficultés financières », rapporte une source proche du dossier au ministère des Transports. Mais qu’est ce qui peut bien justifier cette tension financière seulement deux ans après sa mise en service ?

Engagements non respectés

 D’après les observateurs, le non respect des engagements constitue l’une des causes de la banqueroute de l’entreprise. Les deux protagonistes dans cette affaire se rejettent mutuellement la faute. D’une part, la société qui accuse l’Etat d’insolvabilité relative à une subvention de 1,6 milliard de francs CFA par an qui n’a pas été versée depuis deux ans. En face, l’Etat reproche à la Stecy de ne pas avoir respecté son cahier de charge qui prévoyait que l’entreprise devait porter sa flotte automobile de 44 bus de 12 mètres à 150 bus ou 210 minibus. « Nous avons constaté depuis le démarrage que Stecy ne respecte pas son cahier de charge. On ne peut pas appuyer une entreprise qui n’a pas décollé ou qui ne respecte pas son cahier de charge. L’entreprise n’a rien fait pour être rentable. Elle veut tout simplement compter sur la subvention de l’Etat or, dans le business plan il était question que le prix du ticket soit à 300 francs CFA et l’Etat a pris sur lui de supporter 100 francs et c’est cet argent qu’on nous réclame », explique notre source au Mintransports. Joint par téléphone, le chargé de la communication dit ne rien savoir sur cette affaire de subvention. Mais des sources au sein de l’entreprise indiquent que l’Etat aurait récemment débloqué une somme de 950 millions. Même si notre source du Ministère des Transport ne confirme ou n’infirme pas cette information, il déplore tout comme les employés la mauvaise gestion de l’entreprise.

 Mauvaise gestion

« C’est une société qui ne parvient pas à contrôler sa gestion. L’Etat ne peut verser de l’argent que si et seulement s’il y a un commissaire aux comptes qui valide l’état financier de l’entreprise mais cette entreprise n’en dispose pas. Or sans compte certifié ou un commissaire au compte,  on ne peut pas prétendre à une subvention conformément à la loi Ohada », précise un cadre du Mintransports. Il faut noter qu’en novembre 2017 soit quelques mois après la mise en service de la Stecy, le personnel revendiquait déjà deux mois de salaire. Cette tension de trésorerie présageait déjà des lendemains malheureux. Résultat : la situation s’envenime. « Nous faisons recette mais nous ne comprenons pas pourquoi nous n’avons pas de salaire. La majorité de bus est en panne. On ne parvient pas à les dépanner faute d’argent. Le directeur nous dit sans cesse que l’Etat n’a pas versé de subvention depuis. Je me demande bien si c’est cette subvention qui devrait faire vivre l’entreprise ? », s’interroge une source de l’entreprise. Et à une autre de poursuivre : « il faut avouer que nous ne gérons pas bien nos fonds. Nous avions un capital au départ. Cette situation montre tout simplement que nous ne sommes pas rentables ». A en croire le cadre du Mintransports, le modèle économique de la Stecy est calqué sur le même schéma de l’ex Bus donc elle est vouée à l’échec. « Cette entreprise fonctionne exactement comme le bus qu’elle a remplacé. On veut soutirer de l’argent à l’Etat sans toutefois être rentable. La Communauté Urbaine de Yaoundé qui a fournit près de 13 bus et s’occupe de l’entretien des terminaux ne figure pas dans le Conseil d’administration de cette entreprise. Il faut le dire Stecy a une gestion opaque. Mais l’Etat ne peut pas laisser cette société mourir. On trouvera certaines des solutions d’ici peu ».

 Détournements

Le 06 janvier 2018, le directeur général indiquait dans un communiqué, le détournement des recettes à l’origine des pertes de 900 millions de francs CFA. Une situation qui avait conduit au licenciement de 58 chauffeurs et 104 commerciaux. Ce mois de juillet encore, des gardiens auraient été mis en détention pour vol de lecteurs audio et autres pièces des engins. « J’ai six mois d’arriérés de salaire et je suis obligé d’adopter des techniques pas commodes pour subvenir aux besoins de ma famille. Il m’arrive de détourner les recettes. Je ne suis pas d’ailleurs le seul. Nous les chauffeurs on a notre technique qu’on ne peut pas vous dévoiler », confie un conducteur de bus

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