François Ngoumou : « Le Cameroun de monsieur Arroga avant le CHAN avait un très haut niveau footballistique»

L’entraîneur de football livre une lecture technique du CHAN, avec un focus sur l’équipe nationale du Cameroun.

François-Ngoumou

Quelle analyse faites-vous du niveau technique du premier tour du CHAN ?

J’’ai vu de très belles rencontres. Il y a de la qualité, il y a de très bons matchs, de la générosité dans les matchs, de l’expression de l’effort. Il y a des équipes comme la Rdc, le Maroc, le Mali, le Rwanda, le Congo, qui livrent de très belles rencontres. Même le Togo qui a été éliminé n’a pas démérité. Et même le Cameroun, il ne faut pas se le cacher, en dehors des années 2000-2002, n’a jamais vraiment très bien joué. Nous avons toujours subi, plié, mais à la fin on a fait le dos rond grâce au mental. Avec de très bons gardiens. Mais les équipes que je viens de citer, sur le plan individuel et collectif, ont montré de très bonnes qualités durant ce premier tour.

On n’a pas l’impression qu’il y a manqué de fraîcheur physique, due au Covid qui a imposé un arrêt des championnats qui n’ont pas repris dans plusieurs pays ?

Non je pense que quand on regarde les matchs on n’a pas l’impression qu’il y a un problème lié au Covid ou au manque de compétitivité. Les équipes que je viens de citer se sont exprimées très aisément, avec une belle qualité de jeu. Le Togo même n’a pas repris avec son championnat, mais il sort du CHAN la tête haute. Quand on les voit jouer, on n’a pas l’impression qu’il leur manque de la compétitivité. On ne peut pas savoir que les gars ne jouent pas depuis une longue période. Ils sont même à féliciter par rapport à la qualité de leur jeu. On n’a pas vraiment vu une équipe trainer le pied pendant le premier tour. Je pense que c’est le fruit du travail des entraîneurs tous formés au niveau occidental. Il y a uniformisation de la compétence de la préparation physique et athlétique. Et depuis plusieurs mois, la CAF avait déjà ordonné une reprise progressive des entraînements en fonction de l’évolution du Covid. Je pense que tous les pays ont aussitôt que cela été possible, repris les entraînements au niveau des équipes nationales. C’est pour cela que les joueurs n’accusent pas de lacunes physiques.

Il reste que tous les pays que vous avez cités sont d’anciens clients du CHAN ; mais une équipe comme l’Ouganda n’avait pas aussi sa place dans ce club du second tour ?

Quand on regarde les huit équipes qualifiées, on peut se dire que l’Ouganda comme le Togo auraient pu passer. Ça s’est joué au finish. Au football, il faut être présent à l’instant T. On peut être favori sur papier, mais il faut être présent le jour du match. Je vais faire une petite digression pour dire que certaines grandes nations du football ne sont pas là : je veux citer par exemple l’Afrique du sud et le Ghana. Ils ont été éliminés par les équipes qui sont présentes au Cameroun. Au premier tour, tout est ouvert. C’est un championnat. Si vous passez à côté, vous êtes éliminés ; et les plus téméraires, les plus méritants sont au second tour. On ne va pas épiloguer là-dessus. Ils ont été battus, ils n’ont pas pu obtenir les points suffisants pour se qualifier au second tour. Ceux qui ne sont pas là au second tour n’ont pas été à la hauteur. Même s’ils ont développé un football de qualité, leurs efforts n’ont pas été suffisants pour qu’ils passent. Les autres ont pu le faire mieux que vous, et vous rentrez à la maison vous préparer pour les prochaines échéances.

Pour ce qui est du Cameroun, qu’est-ce qui peut justifier la métamorphose après une préparation des plus cahoteuses ?

Ne dites pas qu’elle s’est métamorphosée. Il faut faire une analyse objective. Le Cameroun de monsieur Arroga avant le CHAN avait un très haut niveau footballistique, en termes de qualité, de niveau de jeu. Ils sont partis en stage, puis il y a eu le Covid, on a dit que le CHAN est annulé. C’est une équipe qui jouait du beau football, qui avait une bonne évolution du jeu ; avec des joueurs comme Nlend, Bawak. En ce moment-là, si on avait joué le CHAN, on aurait eu une bonne équipe. On avait suffisamment de repères. Ils sortaient d’un tournoi amical où ils ont battu la Rdc, fait nul avec le Congo. Des mois se sont écoulés, ils ont repris difficilement parce que les joueurs étaient lourds parce qu’ils sortaient d’une longue période d’inactivité. Le coach Arroga a perdu un match contre la Panthère, on lui est tombé dessus. Il ne méritait pas d’être limogé en ce moment-là. Dès qu’on met quelqu’un de la diaspora, il y a toujours ce regard étrange que ceux qui sont au Cameroun posent sur celui-là. On est allé dans tous les sens, sans faire une analyse objective des raisons pour lesquelles l’équipe dans son ensemble ne jouait pas bien. Alors qu’on était à une phase de reprise. On a mis des superviseurs, après on s’est retrouvé avec un changement dans le staff. Avec des perspectives nouvelles. Que ce soit les stages préparatoires, ou le CHAN, ça a été poussif. Ce n’est pas que je suis contre l’entraîneur en place. C’est simplement que l’environnement dans lequel nous jouons n’est pas propice à la réussite. Avec ce que nous jouons maintenant, on n’aurait jamais pardonné à un entraîneur de la diaspora ou plus jeune ou même moins capé. Dieu merci, nous avons Ndtoungou en place maintenant, c’est un entraîneur capé; il faut tourner sa langue plusieurs fois, et avoir du talent pour le critiquer. Mais si on analyse notre jeu compartiment par compartiment, on reste sur sa faim. Le Cameroun est lent dans les transitions, le Cameroun manque d’animation au milieu de terrain, le Cameroun a des difficultés en attaque. Notre sauveur vient de la défense. Dieu merci nous avons un très bon gardien.

Tout de même, on a pu se qualifier…

Ça c’est une analyse objective. Comparativement aux équipes comme le Togo, la Rdc, qui circulent bien le ballon qui ont une animation de jeu fluide, bref il y a un fond de jeu qui repose sur la qualité du championnat et la qualité des joueurs qui ont la haute compétitivité. Ici, nous n’avons que Coton sport. Coton qui depuis dix ans n’a plus de quart de finale de compétitions africaines. Allez en Rdc, vous avez Tout puissant Mazembe, As Vita club, qui sont tout le temps en Champion’s league. Ils connaissent la haute compétition. Ce sont des joueurs qui sont pour certains en équipe nationale. Donc ce n’est pas un problème Arroga ni Ndtoungou. On ne peut pas rivaliser avec les grandes nations qui ont des championnats structurés, parce que nos joueurs ne restent pas au Cameroun. Dès qu’un joueur commence à éclore, au bout de cinq ou six journées de championnat, on pense à partir. On n’arrive pas à garder de très bons joueurs au Cameroun pendant un ou deux ans. Contrairement au Maroc, à la Rdc, à la Zambien,… où un joueur eut avoir jusqu’à trois ou quatre mille euros. Donc pour me résumer, nous sommes obligés de nous métamorphoser. Mais métamorphosés par rapport à quoi ? Le Cameroun s’est métamorphosé sur le plan physique et sur le plan psychologique. Mais ce n’est pas le bon mot. C’est en réalité notre football ça. Sur le plan tactique, nous avons des leçons à apprendre de la plupart de nos adversaires. Mais sur le plan individuel, les joueurs que nous avons aujourd’hui, c’est le second choix par rapport au potentiel du football camerounais ; pas parce que nous n’avons pas de bons joueurs. Pour me résumer, c’est relatif de parler de métamorphose de l’équipe camerounaise.

Quelle recette pour la suite de la compétition ?

Notre équipe peut franchir les quarts de finale, s’il y a une bonne organisation. S’il y a une bonne organisation tactique, c’est-à dire chacun respecte sa place et son rôle, sur un coup de patte, on peut réussir des choses. Mais nous ne pouvons pas rivaliser individuellement 11 contre 11 avec nos adversaires qui ont de meilleures qualités. Sur le plan tactique, nous n’avons pas la capacité de lire le jeu de l’adversaire. Donc faisons attention à ce que nous appelons métamorphose. Si vous avez vu une équipe des années 2000 avec notamment Womé à gauche, Gérémi à droite, Etame Mayer, Foé au milieu, en attaque vous avez Mboma, Eto’o,… il y avait peu de soucis à se faire. On avait des individualités à tous les compartiments. Ce n’est plus ça. Nous avons beaucoup de manquements en termes d’individualités. Le coach peut compenser ces manquements individuels ça par une bonne organisation tactique pour espérer vaincre la Rdc.
Si on a une bonne organisation du jeu et vous huilez bien votre machine, vous pouvez jouer à la Mourinho ; c’est-à-dire que vous laissez la balle à l’adversaire qui déroule le jeu, vous gardez votre bloc opaque, parce que vous êtes conscients de vos faiblesses et vous mettez de l’impact physique. Vous empêchez votre adversaire de vous faire mal dans votre moitié de terrain. Vous le contrez au niveau médian pour riposter. Mais si vous essayez d’ouvrir le jeu face des équipes qui sont bien structurées qui ont une certaine habilité technique à sortir la balle de la zone d’observation, de progression, de finition, en utilisant toutes les phases de jeu, on peut libérer des espaces dans notre zone dans des intervalles qui peuvent être exploités par l’adversaire et ça peut nous coûter cher. Si on ferme le jeu dans notre bloc en alignant des joueurs à caractère et au milieu des joueurs qui ont une certaine habileté technique comme le jeune Ako, avec trois récupérateurs pour essayer de contrer le jeu adverse. La France l’a fait en 1998 avec Zidane sous Aimé Jacquet. Et puis vous mettez des attaquants capables de vite éliminer l’adversaire. Il faut réellement connaître son potentiel. Sur le plan des débordements, sur le plan des coups francs, si vous avez des joueurs capables de faire la différence, ça peut aller. Je lis le jeu et je vois comment le coach a réajusté son équipe contre le Burkina en faisant rentrer Gabriel Penda et Joel Kofana, pratiquement trois joueurs à caractère défensif en plus de quatre défenseurs pour essayer de contre le jeu offensif du Burkina. C’est au coach de faire avec le potentiel de joueurs qu’il a. Je ne vais pas faire un cours ou donner des clés alors que je ne suis pas dans la tanière. Je donne juste des indications qu’à mon sens on peut adopter pour des solutions individuelles pour aborder par exemple le match contre la Rdc, parce que poste pour poste, ils ont des joueurs de meilleure qualité. il faut donc pour compenser avoir une organisation compacte, avec des joueurs agressifs à tous les compartiments et récupérer la balle pour faire mal à l’adversaire.

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