Francis Ngannou : Parcours d’un combattant déterminé

"The predator" a détrôné l'Américain Stipe Miocic samedi dernier par K.o. au second round. Une consécration pour ce combattant dont le parcours aura été une longue série d’épreuves. Portrait.

Francis Ngannou-Champion

Francis Ngannou est champion du monde d’arts Martiaux Mixtes (MMA). Et c’est un exploit inimaginable, tant le parcours de ce Camerounais a été semé d’embûches. « Je sais où je suis né mais je ne pourrais pas dire où j’ai grandi », explique souvent celui qui a vu le jour à Batié, dans l’Ouest du Cameroun, en 1986. Son enfance ? Un père accusé d’être brutal, des parents qui se déchirent et divorcent, des passages d’un foyer à l’autre. Durant l’adolescence, il commence à travailler dans une sablière pour payer sa scolarité… Sa vie est alors très loin de ressembler à la success story que tout le monde connaît.

Ngannou fière aux mamans

Sept tentatives avant d’arriver en Europe

Un jour, le chauffeur de mototaxi se prend de passion pour la boxe anglaise. A 22 ans, l’intéressé plaque tout pour ce sport, à la grande stupeur de sa famille. Francis Ngannou n’est toutefois pas au bout de ses peines. Convaincu qu’un meilleur sort l’attend en Europe, il se lance dans un périlleux voyage vers le Vieux continent, en 2012 : Niger, Algérie, Maroc… A chaque fois, il se prend les barbelés dans les dents. « Les barbelés de Melilla, je ne pourrai jamais les oublier », confesse-t-il en 2018 à InfoMigrants. De ces tentatives, il conserve des cicatrices. « J’en ai partout : sur les côtes, les jambes, les pieds… ». Ce n’est qu’au bout de sa septième tentative qu’il parvient à traverser la Méditerranée jusqu’en Espagne.

Sans domicile fixe à Paris

En 2013, Francis Ngannou se retrouve en France un peu par défaut, lui qui visait plutôt l’Allemagne ou le Royaume-Uni. A Paris, il dort souvent dans un parking, mange très rarement à sa faim. Mais il refuse de s’apitoyer sur son sort. « A un moment, j’ai décidé de ne plus être la victime de la vie, de ne plus subir mais de faire face, de combattre, et j’ai pris des initiatives. Quand je suis arrivé en France, c’était l’occasion tant rêvée de me réaliser », affirme-t-il à l’AFP en 2018. Le sans domicile finit par trouver une salle de boxe dans l’est parisien. Il y rencontre Didier Carmont qui, ému par son histoire, décide de l’aider. Ce dernier, qui pressent le potentiel du Camerounais l’encourage toutefois à se lancer en MMA.

La victoire de Ngannou est le fruit de grands efforts

Des débuts fracassants en MMA

Quelques mois plus tard, Francis Ngannou finit cependant par se lancer. Il débarque à la MMA Factory où Fernand Lopez Owonyebe conduit des champion(ne)s. « Il voulait s’entraîner mais n’avait pas les moyens de payer un abonnement, raconte le coach. Il était déjà sûr de lui et de ses performances. J’ai pensé que c’était encore un beau parleur, comme les autres. Puis, je l’ai regardé combattre et j’ai été impressionné ». En 2015, en moins de deux ans et au bout de 6 combats (5 victoires et 1 défaite), celui qui a pris pour surnom « The Predator » est repéré par l’Ultimate Fighting Championship (UFC). L’UFC est au MMA, ce que la NBA est au basket-ball. Dans cette ligue valorisée à plusieurs milliards de dollars, Francis Ngannou étale pourtant ses adversaires à la suite, avec une puissance sidérante. En décembre 2017, il met KO le Néerlandais Alistair Overeem d’un uppercut devenu légendaire.

Deux défaites qui font mal

Quelques semaines plus tard, en janvier 2018, l’UFC lui offre donc un combat pour le titre de champion du monde des poids lourds face à l’Américain Stipe Miocic. Francis Ngannou aborde ce « title shot » gorgé de confiance et d’espoirs. «Etre champion du monde serait l’occasion de mettre derrière moi la frustration de mon enfance, d’enterrer cette triste enfance, lance-t-il à RFI. C’est en partie pour cela que ce rêve est né : se proclamer, se reconnaître, revendiquer sa place». Mais le jour du combat, il s’incline par décision unanime. Dominé par ses émotions, il se lance sur Miocic comme un taureau furieux dans une arène. Epuisé au bout du premier round, le challenger subit ensuite le récital du tenant du titre, qui le met au sol à de nombreuses reprises durant les quatre rounds suivants. Consternation.

Le début de l’ascension

Six mois plus tard, le Camerounais se retrouve à nouveau dans l’octogone. Face à lui se trouve cette fois l’Américain Derrick Lewis, réputé pour sa capacité à éteindre ses adversaires d’un seul coup. Ce choc des titans accouche néanmoins d’une parodie de combat. Personne n’ose rien et surtout pas le Lion indomptable, encore marqué par son revers face à Miocic. Francis Ngannou part ensuite à Las Vegas, rejoindre l’écurie Xtreme Couture. Sous la direction d’Eric Nicksick, l’Africain reprend son ascension. L’Américain Curtis Blaydes ? Écrasé en 45 secondes, en novembre 2018. L’ancien champion du monde Cain Velasquez ? Pulvérisé en 26 secondes, en février 2019. Le Brésilien Junior Dos Santos, autre ancien roi des lourds ? Dominé en 71 secondes, en juin 2019. Le Surinamien Jairzinho Rozenstruik ? KO au bout de 20 secondes, après une charge aussi rageuse que désordonnée.

Nous sommes en mai 2020 et le colosse fulmine. Il attend en fait sa revanche face à Stipe Miocic depuis plus de deux ans. Mais l’UFC s’est lancée dans une série de trois combats entre Miocic et l’Américain Daniel Cormier, entre juillet 2018 et août 2020. En coulisses, les relations entre le « roi sans couronne » et les dirigeants de l’Ultimate Fighting Championship semblent glaciales. L’organisation ne peut toutefois plus lui refuser un deuxième « title shot ». Le 27 mars 2021, Francis Ngannou s’impose avec brio. Il prend sa revanche sur Miocic, sur l’UFC, sur son parcours.
Par Arthur Wandji

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