Electricité : des Camerounais dénoncent une surfacturation

Les faits majeurs d’Eneo en 2017.

Au mois de mai dernier, les consommateurs ont vu le montant de leurs factures d’électricité grimper considérablement, atteignant parfois le seuil de 650 000 francs CFA. Et pourtant, les index figurant sur les compteurs électriques sont largement inférieurs à ceux inscrits sur les factures.

«Monsieur vous ne pouvez pas venir me donner une facture d’électricité d’un montant de 145 000 francs CFA et vous vous attendez à ce que je paie cela dans un délais de six jours. C’est impossible ! Je ne peux pas partir d’une consommation de 10 000 francs CFA à 145 000 francs. Regardez, l’index marqué sur ma facture est supérieur à ce qu’indique le compteur. Donc, je ne vous permets pas de me couper l’électricité. C’est un abus ! ». Marina, cadre dans une banque n’est pas disposée à garder la facture que lui tend un agent de la société de distribution d’électricité au Cameroun, Eneo ce vendredi 26 juin dans son domicile à Douala. Mais rien n’y sera fait. « Madame, permettez-moi de faire mon travail. Si vous avez une réclamation à faire, vous devez vous rendre à l’agence. Je tiens tout simplement à vous rappeler que vous devez régler votre facture avant de déposer votre requête », répond l’émissaire d’Eneo à cette nouvelle mère de jumeaux. Francine, infirmière, se souvient également de sa mésaventure, il y a quelques jours. La jeune fille, la trentaine à peine sonnée, a failli perdre son père à cause d’une suppression du compteur par des agents de l’opérateur historique du secteur de l’électricité au Cameroun.

« Nous n’avons pas reçu de facture pour le mois de mai. Mais jeudi dernier, un agent d’Eneo est venu couper l’électricité en disant qu’on avait une facture de 150 000 francs CFA non payée. Je lui ai dit qu’il s’agissait forcément d’une erreur parce qu’il n’y a pas d’appareil qui peut nous conduire à une telle consommation. La facture de notre maison n’a jamais excédé 17 000 francs CFA. Nous avons atteint ce montant depuis que mon père est malade car il utilise un mini oxygénateur », raconte-t-elle. « Ils n’ont rien voulu entendre, et malgré mes supplications, ils ont déconnecté e compteur. Je me suis immédiatement rendue dans la chambre pour veiller sur mon père parce que je craignais qu’il lui arrive quelques choses puisqu’il dort avec un appareil qui lui fournit de l’oxygène dans son sommeil. Je l’ai trouvé en train de suffoquer. Mes cris ont alerté ces agents, qui sont revenus s’en quérir de la situation. Voyant l’état de santé de mon père, ils ont rétabli l’électricité en me sommant de régler ma facture le lendemain faute de quoi ils seront obligés de couper l’électricité définitivement. Je suis allée ensuite à l’agence et on m’a fait savoir que je devais d’abord payer ma facture avant de faire des réclamations », poursuit-elle en larme. Ces deux scènes décrivent le calvaire auquel font face les Camerounais depuis quelques semaines. En effet, les factures d’électricité au titre du mois de mai ont, pour la plupart, connu une surfacturation. Certains ménages sont passés d’une consommation de 15 000 francs à 160 000 francs CFA en l’espace de 30 jours. D’autres quant à eux, ont tout simplement vu le montant de leurs factures quintupler par rapport aux mois précédents.

La colère des consommateurs sur les réseaux sociaux

Sur les réseaux sociaux notamment Facebook, le sujet alimente les débats dans les foras. Entre confusion d’index, retard de factures, sous-traitance, coupure intempestive d’énergie et surfacturation, les consommateurs expriment leur ras-le-bol. Chacun y va de son commentaire et raconte son expérience. « Je vis avec ma femme dans un appartement de deux chambres et on nous sert 68 000 francs d’électricité », déclare un internaute. Et à un autre d’ajouter : « j’ai une facture de 615 000 francs CFA alors que j’ai juste un congélateur. Je me suis rendu à l’agence plusieurs fois, ils n’ont rien fait jusqu’au jour où ils sont venus couper ». « Mes frères, je passe de 3500 francs à 12 600 francs ce mois. Je constate que la déstabilisation du Cameroun change de camp », conclut un consommateur.

Une surfacturation effective depuis avril dernier ?

D’après des investigations menées sur le terrain, l’on se rend compte que le problème de surfacturation ne date pas seulement du mois de mai. L’on se souvient de la facture de 1,5 milliard de francs CFA servie au mois d’avril au nommé Yannick, résident du quartier Biyem-Assi à Yaoundé. En publiant sa facture sur les réseaux sociaux, ce dernier dénonçait d’ores et déjà une surfacturation dont allait être victimes de nombreux autres consommateurs un mois après. D’après des sources à Eneo, cette situation est due à l’expérimentation d’une nouvelle technique de facturation qui consiste à estimer la consommation des clients en vue de prélever les index sur les compteurs six fois par an. En effet, dans la lutte contre la propagation du coronavirus, le distributeur d’électricité au Cameroun a lancé au mois de mai une opération dénommée « Covid-19 : Eneo limite les visites des releveurs chez vous ».

Arsel donne raison Aux consommateurs

Mais suite aux multiples plaintes des consommateurs, l’Agence de Régulation du Secteur de l’Electricité (Arsel) a mené une enquête auprès des ménages au mois de juin en cours. Le régulateur indique avoir constaté que les relevés des index de compteurs n’ont pas été faits au cours du mois de juin dans plusieurs points de livraison ; les factures d’électricité servies aux consommateurs pour le compte de ce même mois viennent attester l’absence de la relève d’index et cette opération a pour conséquence de basculer les consommations d’énergie électrique à des tranches supérieures ou inférieures au coût du kilowatt le plus élevé ou le plus bas. Suite à ces constats, le régulateur a sommé Eneo, dans une correspondance datant du 11 juin dernier, de suspendre cette opération d’estimation des index des compteurs d’énergie électrique. « Autant le régulateur comprend les objectifs recherchés de cette opération, toutefois celle-ci n’a pas au préalable reçue l’approbation d’Arsel avant son démarrage […] par conséquent, j’ai l’honneur de vous informer que l’estimation systématique des index de compteurs est une violation. […] Je vous demande de suspendre cette opération d’estimation systématique des index de compteurs au motif du Covid-19 et procéder à la relève des index en vue de corriger les factures servies aux consommateurs au cours du mois de mai 2020 mais également procéder à la régularisation des factures… », a ordonné le directeur général de l’Arsel, Jean Pascal Nkou.

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