Crise anglophone : Paul Biya a-t-il sifflé la fin de la récréation ?

Dans son message de fin d’année, le chef de l’Etat a cessé de tendre éternellement la main aux combattants et menace de plus en plus.

La menace militaire se reprécise. Ph Jeune Afrique

La crise qui secoue les régions du Nord-ouest et du Sud-ouest ne pouvait échapper au menu des sujets qui devaient meubler le discours de Paul Biya. « C’est sans aucun doute, pour le moment, l’un des problèmes les plus urgents», a admis le président de la République. « L’activité criminelle des groupes armés continue de perturber la vie publique, économique et sociale dans ces régions », regrette Paul Biya. Handicapant la cohésion nationale depuis un peu plus de trois années. Et qui a poussé le régime de Yaoundé à baisser le ton grave de la menace qu’il avait employé au commencement, fin 2016. Accédant à des solutions à des revendications qui s’allongeaient sans cesse. Partant de trois à 21. Mais au fur et à mesure que le gouvernement pliait l’échine, les positions d’en face des radicalisaient. Au point d’atteindre en 2018 un point de « non retour », avec la radicalisation de plusieurs modérés tels John Mbah Akuro, désormais porte-parole de la Plateforme des organisations luttant pour la cause de l’ex Cameroun occidental.

Et aujourd’hui, le terrain est de plus en plus miné par des armes. « Pourtant, ces derniers mois, diverses mesures ont été prises pour ramener à la raison ces jeunes qui, pour la plupart, se sont laissé endoctriner. Des appels à déposer les armes leur ont notamment été lancés et des perspectives de réinsertion sociale ouvertes », rappelle Paul Biya. Soulignant notamment le Grand dialogue national (GDN) qu’il a convoqué entre le 30 septembre et le 03 octobre 2019. « un Grand Dialogue National qui devrait permettre, dans le cadre de notre Constitution, d’examiner les voies et moyens de répondre aux aspirations profondes des populations du Nord-Ouest et du Sud-Ouest, mais aussi de toutes les autres composantes de notre Nation », s’est-il cité lui-même.

Maurice Kamto

Un Gdn qui n’a pas vu la participation du chef de l’Etat lui-même, mais qui a été conduit par Joseph Dion Ngute, le Premier ministre, chef du gouvernement. En dehors du Mouvement pour la renaissance du Cameroun (Mrc) de l’opposant Maurice Kamto qui n’a pas pris part au dialogue, pour avoir conditionné sa participation à l’inclusion de toutes les parties possibles, y compris les combattants, tous les partis politiques d’envergure et plusieurs acteurs de la scène publique nationale y ont pris part. De quoi faire dire à Paul Biya que « j’ai eu le sentiment que cette initiative avait été largement approuvée par notre opinion publique ainsi que par diverses organisations internationales dont l’ONU et plusieurs pays amis ». Estimant «que les participants ont vécu un grand moment de communion qui leur a permis d’exprimer leur attachement à la paix et à l’unité nationale ». Et l’homme qui tient le gouvernail du Cameroun depuis 1982, cite d’autres initiatives prises pour décrisper, notamment « diverses offres de paix adressées aux insurgés », tel que le programme de désarmement et de réinsertion, ainsi que la libération de plusieurs centaines de détenus.

Rien n’y fait. La « guerre » s’est poursuivie, vidant certaines localités de leurs populations, laissant au passage des tueries parfois massives. Paul Biya n’a plus tendu la main cette fois-ci comme il l’a fait lors de son investiture le 06 novembre 2018, et réitéré le 31 décembre 2018 et le 10 septembre 2019. L’Homme-lion a repris le treillis du chef suprême des armées, pour retrouver son ton martial de départ : « Pour ceux qui s’obstinent à demeurer dans la mauvaise voie et qui continuent à avoir recours à la violence, nous n’aurons pas d’autre choix que de les combattre pour protéger tous nos concitoyens », a-t-il menacé. « Nos forces de défense et de sécurité feront une fois de plus leur devoir avec mesure, mais sans faiblesse. Je veux ici les assurer de mon total soutien et de ma haute considération », a-t-il clarifié. Au moment où des rapports d’Organisations non gouvernementales laissent croire que les Forces de défense et de sécurité commettent des exactions au même titre que les séparatistes. Et redoutent la famine dans les deux régions. Paul Biya qui a offert des tonnes de nourriture à l’occasion des fêtes de fin d’année, dément cette menace de famine et redoute des connivences entre ces Ong et les combattants sécessionnistes.

Toujours est-il que le tenant du pouvoir de Yaoundé n’est plus disposé à plier l’échine. « Auparavant, des décisions avaient été prises pour convaincre nos compatriotes des deux régions concernées de la volonté du Gouvernement d’accorder aux collectivités territoriales les compétences qui leur permettraient d’avoir une plus large part dans la gestion des affaires locales. Il avait été également confirmé que des dispositions étaient prévues pour accélérer la promotion du bilinguisme et du multiculturalisme. On doit également souligner qu’en manifestant de diverses façons sa solidarité avec les populations victimes des exactions et atrocités des bandes armées, la Nation, dans son ensemble, a montré qu’elle soutenait la politique du Gouvernement », rappelle-t-il. De quoi justifier son option militaire reprise.

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