CHAN 2020 : Les visages de la défaite du Cameroun

De Paul Biya à Narcisse Mouelle Kombi, en passant par Martin Ndtoungou Mpile et Abel Mbenge… les responsabilités sont partagées.

Paul Biya : l’observateur résigné
Paul Biya a sa part de responsabilité dans l’échec du Cameroun au CHAN 2020. Premier sportif national et donc premier footballeur de son pays, l’homme qui est responsable de la marche de la nation s’est contenté dans son discours à la jeunesse d’inviter « les instances faîtières du football camerounais » à une prise de conscience de leurs responsabilités.

De quoi susciter des inquiétudes tant le premier sportif national semble ignorer qu’il existe une seule instance faitière du football au pays : la Fécafoot. Du moins pour ce qui est du football association promu par la FIFA à travers le monde. Paul Biya y ajoutait certainement la Ligue de football professionnel du Cameroun (LFPC) qui dans le conflit qui a plombé le démarrage des championnats professionnels, se comporte certes comme une fédération bis. La Lfpc de Pierre Semengue a été victorieuse de la finale du match judiciaire qu’elle joue contre la Fécafoot au sujet de ces championnats professionnels. Mais la Fécafoot refuse de s’exécuter.

Dans un environnement où seule l’évocation du nom du président de la République fait souvent bouger les lignes. Y compris dans un domaine du football que le premier sportif national utilise comme argument de campagne électorale. Et pourtant, Paul Biya dont la parole est rare et qui se fait de plus en plus discret sur l’espace public, est resté bouche cousue face à la récréation qui perdure depuis 2013. Le football se joue depuis dans les salons et les tribunaux. Parfois la présidence de la République en est un acteur. Le président de la République ne saurait donc être étranger à la crise qui secoue le football.

Martin Ndtoungou Mpile : looser for ever (?)
Martin Ndtoungou Mpile reste pour le moment le meilleur entraîneur camerounais du Championnat du CHAN. Parce qu’étant celui qui a le premier atteint les demi-finales du tournoi. Jusqu’ici, le Cameroun s’était fait éliminer en quarts. Et le record battu par l’actuel entraîneur des Lions indomptables A’ est d’autant plus important en termes de symbole qu’il arrive dans un contexte où les joueurs sont supposés ne pas être en jambes. Les championnats nationaux étant en arrêt depuis mars 2020.

Malgré son parcours au CHAN 2020, l’ex entraîneur national adjoint des Lions indomptables, laisse un goût d’inachevé. La sélection que nul n’attendait à un tel niveau de compétition du fait de l’absence de championnat, mais surtout en raison d’une préparation des plus calamiteuses, avec une attaque sans âme, avait pourtant surpris les observateurs en rassurant au fil de l’évolution du tournoi. Au point de faire rêver leurs fans qui en redemandaient. La preuve, le match des quarts de finale fut très prisé et les 12 500 billets mis en vente ont été arrachés comme des bouts de pain, sous fond de polémique. Les autorités soupçonnées de les avoir gardés pour eux et leurs proches. Et de fait, a priori, l’entraîneur en chef est l’un des techniciens les plus capés sur le territoire national.

Et pourtant, très vite les supporters naïfs ont déchanté. Le technicien a vite été trahi par son impréparation. Lui qui n’était pas préparé à l’avance pour une mission aussi importante que « garder le trophée à la maison», tel que le voulait sa hiérarchie. Ndtoungou Mpile qui, après avoir accepté une mission de « superviseur » de l’entraineur Yves Clément Arroga, a fini par reprendre le poste de celui qui faisait l’objet de rapports du staff des superviseurs. Pour déconstruire, à quelques semaines de la compétition, le groupe constitué depuis plus d’un an par son prédécesseur ; renvoyant pas moins de huit cadres sans justification. Pour convoquer chez les A’ des joueurs de l’équipe nationale fanion, dans un contexte de bruits de marchandage de places. Pour ne pas leur donner l’occasion de mettre leur talent au service du drapeau national.

Dans un contexte où des bruits d’interférences extérieures sur les choix du staff fusaient de la tanière. Et tout au long du tournoi, le sélectionneur a brillé par une instabilité dans l’ossature de l’équipe qu’il continuait de chercher jusqu’à son élimination. Avec le Cameroun, Ndtoungou Mpile n’a jamais ramené de lauriers en tant que responsable en chef.

Abel Mbengue : la communication en déphasage

Les générations passées le présentent comme un demi-dieu du journalisme. Les reliques de ses reportages laissent découvrir un reporter qui avait l’art de captiver l’attention des auditeurs, de susciter l’intérêt pour le match qu’il couvrait. Un talent qui justifie le choix de beaucoup de jeunes journalistes actuels d’emprunter la voie du plus beau métier du monde, par admiration pour ce passionné du « journalisme sportif ».

Mais cette image de démiurge a perdu de son éclat depuis que l’ex employé de la radio nationale a été nommé président de la commission communication du Comité local d’organisation du CHAN 2020 et de la CAN 2021. L’homme à la retraite, mû par le patriotisme qu’il prône à tout vent, a travaillé depuis deux ans à tuer toute contradiction dans les milieux de la presse sportive. La critique n’a plus de place à son sens devant l’intérêt de la nation. Muselant ses propres collaborateurs de la commission communication, celui qui était « porte-parole » du COCAN, a concentré sur sa seule personne la communication autour du CHAN. Sans cependant être toujours disponible. Pire, l’homme avait banni nombre d’organes de presse qui ne chantent pas les louanges du régime de Yaoundé, de l’accès à l’information, à cause de leurs lignes éditoriales.

Et comme si cela ne suffisait pas, Abel Mbengue a poussé le bouchon plus loin en organisant le bashing de ses propres compatriotes. Selon des sources dignes de foi, après avoir obtenu de la CAF le pouvoir de « gérer les accréditations » média du CHAN 2020, il aurait pris soin de ne retenir que les organes alignés à sa cause. Du coup, plusieurs confrères dont des habitués des compétitions internationales, ont dû saisir la CAF pour obtenir le pass donnant accès aux sites de travail durant le CHAN. Amenant la CAF qui d’habitude accrédite les journalistes des semaines avant, à continuer de le faire des jours après le coup d’envoi. Du coup, beaucoup de journalistes n’ont pas pu assister au match d’ouverture.

Narcisse Mouelle Kombi : Ponce Pilate

« Au regard des performances des autres équipes, les Lions indomptables A’ ont réussi à figurer dans le dernier carré, des quatre meilleurs sélections ». Au moment où l’élimination en demi-finale des Lions A’ expose aux yeux de l’Afrique et du monde le niveau réel du football local au Cameroun, le Pr Narcisse Mouelle Kombi peut se satisfaire de la prestation de la bande à Solomon Banga au dernier CHAN organisé à domicile. Ce n’est pas que le ministre des Sports occulte réellement la mauvaise santé du football au Cameroun, et même les raisons et les acteurs de cette mauvaise passe. D’ailleurs « cette équipe a été formée ex nihilo, dans un contexte où les compétitions avaient cessé d’exister depuis plusieurs trimestres», dit-il pour justifier son autosatisfaction. « Les conflits, les querelles, les divergences d’intérêts, les batailles de procédures entre notamment la Fécafoot et la Ligue de football professionnelle…[et] la crise de gouvernance du football. Tout cela n’a pas permis de créer un climat serein, permettant la détection sur une plateforme beaucoup plus large des meilleurs talents, et d’autre part une bonne et longue préparation de notre équipe nationale », voit-il derrière cette situation.

En clair, la tutelle n’y est pour rien. Lui qui se contente de regretter cet état des choses, de sa posture de mandataire du président de la République pour la mission d’organisation et d’encadrement du mouvement sportif national. Et pourtant, il a toujours été interpellé et même sollicité pour jouer les arbitres. Entre esquives et prises d’intérêts dans le strapontin du sport roi, le diplomate n’a jamais clairement pris position en faveur de ce football qui nourrit de plus en plus de passions. Lui qui a directement et personnellement organisé une valse d’entraîneurs sur le banc de touche de l’équipe nationale A’, parfois à l’approche de la compétition. Avec d’abord la nomination d’un personnage vivant à l’étranger et coupé de la réalité d’une équipe dont les joueurs sont issus des championnats nationaux, puis placé en embuscade une équipe de « superviseurs » dont certains membres n’ont jamais caché leurs souhaits d’être à ce poste, et enfin en limogeant un « étranger » qui avait pourtant compris sa faiblesse et s’était appuyé sur ses confrères locaux pour constituer une sélection qui regorgeait tout de même les meilleurs du dernier championnat. Pour que son remplaçant, issu du groupe des superviseurs, débarque à quelques semaines du coup d’envoi du tournoi, et mette à la porte des cadres de la sélection, sans justification, alors que son prédécesseur n’était qu’à la recherche d’un « tueur» en attaque. Résultat des courses, Martin Ndtoungou Mpile est coincé et oblige le pays à jouer une pirouette pour sélectionner les joueurs de l’équipe nationale fanion en transit au pays, faute d’avoir pu trouver des clubs à temps ; mais des Lions en qui le remplaçant d’Yves Clément Arroga n’a pas accordé sa confiance lors du tournoi. Malgré tous ces tacles contre la nation, le ministre de tutelle tente de se ranger parmi les victimes résignées. Lui qui, dénudé de sa casquette de président du Comité local d’organisation, était le responsable politique de l’équipe nationale du Cameroun à ce CHAN.

Dossier réalisé par la rédaction

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